jeudi 9 juillet 2009

La subsidiarité, l'Europe et Sarkozy

IL NE SAIT PAS DE QUOI IL PARLE
Nicolas Sarkozy, qui a des idées sur tout et le fait savoir plus souvent qu'à son tour, a trouvé la solution dans l'affaire de la TVA à taux réduit : la France et ses partenaires n'ont qu'à demander à la Commission européenne l'application du principe de subsidiarité. Mais il ne sait pas de quoi il parle...
Le raisonnement du ministre de l'Intérieur est inattaquable : « La subsidiarité impose de mieux distinguer entre, d'une part, les biens et services échangeables d'un pays à l'autre, dont la taxation est susceptible d'affecter le fonctionnement du marché intérieur, et d'autre part les prestations de services locales, qui peuvent être taxées différemment dans chaque Etat membre sans affecter en quoi que ce soit les échanges au sein de l'Union. » Ainsi la France doit-elle pouvoir librement déterminer ses taux de TVA sur la restauration, par exemple, puisque cela ne peut en aucun cas affecter le marché communautaire : on ne verra pas les Allemands ou les Danois venir en masse prendre leur déjeuner dans notre pays.
C'est le bon sens même. Ce qui relève exclusivement de l'économie nationale n'a pas à être régi par les instances communautaires. Et cela, c'est le principe de subsidiarité, qui est inscrit dans les traités.
Mais une petite question se pose, et qui échappe à Sarkozy. Si le principe de subsidiarité est inscrit dans le traité de Maastricht, et confirmé dans le traité d'Amsterdam qui lui consacre tout un "protocole", pourquoi donc les institutions européennes ne l'appliquent-elles pas en matière de TVA ?
Si la situation est celle-là, la procédure ne consiste pas à demander respectueusement à la Commission de bien vouloir prendre en compte la différence entre les biens et services circulant dans l'Union et les biens et services locaux. Elle consiste à dénoncer fermement cette atteinte à un principe des traités, et à exiger l'application immédiate de ce principe à la TVA.
C'est ici qu'est la faille, dans le propos de Sarkozy. Il sent confusément que ce n'est pas si simple, mais il ne sait pas pourquoi.
En réalité, il ne sert à rien d'invoquer le principe de subsidiarité. Et Sarkozy, comme si souvent, parle pour ne rien dire.

De Maastricht à Amsterdam
Le soi-disant principe de subsidiarité inscrit dans les traités est exactement le contraire du vrai principe de subsidiarité. Cette notion, et le mot lui-même, appartiennent à la doctrine sociale de l'Eglise, et ont été définis par le pape Pie XI dans son encyclique Quadragesimo anno. Le principe de subsidiarité est celui selon lequel à tous les échelons de la société l'échelon supérieur n'a pas à intervenir dans ce qui est du ressort de l'échelon inférieur, sauf cas de carence de celui-ci, ou pour des raisons de bien commun. On (c'est-à-dire Giscard et Delors) a fait croire aux citoyens (et à Sarkozy) que c'était cela que l'on avait inscrit dans les traités. Or le traité de Maastricht énonce précisément le contraire : il sanctuarise « ce qui relève de la compétence exclusive de la Communauté », et laisse aux Etats le reste. Et c'est "la Communauté" qui décide de ce qui est de sa compétence exclusive. Et "la Communauté" n'a cessé d'étendre le champ de cette "compétence", tandis que le traité d'Amsterdam affirmait comme un principe intangible, dans son protocole sur la subsidiarité (et c'est même le premier des principes intangibles) que la législation communautaire prime dans tous les cas sur les législations nationales, y compris constitutionnelles. Le traité d'Amsterdam a instauré la dictature européenne en invoquant le principe de subsidiarité...
Ainsi, la mention de la subsidiarité dans les traités n'est qu'un leurre, destiné à faire croire que les nations peuvent avoir ou récupérer des marges de manœuvre. Sarkozy ne le sait pas, mais il voit comment fonctionne l'Union européenne. Il propose donc de demander humblement à la Commission européenne de nous redonner la liberté de déterminer les taux de TVA sur la restauration et l'habitat, en rappelant au "gardien des traités" que dans ces traités figure la subsidiarité, qui le permet. Or la vraie subsidiarité ne le permet pas, elle l'exige. Si la Commission européenne accédait au vœu de Sarkozy, ce ne serait pas du tout au nom du principe de subsidiarité, mais au contraire en vertu de son pouvoir souverain accordant des privilèges à un bon petit vassal ; comme on peut d'ailleurs le constater dans toutes les négociations de ce type.
Yves DAOUDAL National Hebdo du 9 au 15 février 2006