dimanche 25 novembre 2007

"Sarko l'américain" : de l'amitié à l'alignement

PENDANT la seule journée du 6 novembre, sept soldats américains trouvaient la mort en Irak où 853 de leurs camarades sont tombés depuis le 1er janvier, ce qui fait déjà de 2007 l'année la plus meurtrière pour le corps expéditionnaire états-unien qui, depuis l'invasion de mars 2003, a perdu 3856 hommes. Auxquels il faut ajouter les centaines de "contractors" eux aussi tombés au combat, les sociétés étrangères mais aussi le gouvernement de Washington ayant toujours davantage recours à ces mercenaires, engagés en masse et à prix d'or, afin de rendre moins sensible le coût humain d'une guerre que George W. Bush avait promise fraîche et joyeuse et qui, en s'éternisant, est devenue odieuse à ses compatriotes, horrifiés par l'arsenal de mensonges déployé pour la légitimer.
Le même 6 novembre, l'Afghanistan subissait quant à lui l'attentat le plus sanglant commis - par un kamikaze - depuis l'intervention américaine et la chute du régime des taliban fin 2001 : à Baghlan, où des écoliers et leurs maîtres avaient été mobilisés pour accueillir une délégation de parlementaires, 75 personnes ont en effet été tuées dont plusieurs députés, 5 professeurs et 59 enfants. Les taliban ayant formellement démenti être à l'origine du massacre_qui pourrait être lié à des tensions tribales mais aussi à des rivalités mafieuses -, on mesure l'anarchie régnant désormais dans ce pays que la «guerre au terrorisme» lancée par représailles aux attentats du 11 septembre 2001 à New York était censée arracher à ses mauvais démons.

IRAK, Afghanistan, double échec. Plus patent que jamais. Mais c'est le moment précis qu'a choisi Nicolas Sarkozy pour aller faire allégeance au responsable du désastre et, discourant devant le Congrès des Etats-Unis d'Amérique en qualité de président, certes, mais surtout en tant qu' "expression du peuple de France", exalter «le rêve américain» qui « fut, dès les origines, de mettre en pratique ce que le Vieux Monde avait rêvé sans pouvoir le construire ». Et, ce faisant, « de prouver à tous les hommes à travers le monde que la liberté, la justice, les droits de l'Homme, la démocratie, ce n'était pas une utopie mais au contraire la politique la plus réaliste qui soit et la meilleure politique pour améliorer le sort de chacun », C'est le moment qu'il choisit pour encenser l'Amérique qui « s'est battue pour cette liberté à chaque fois qu'elle l'a sentie menacée », en 1917, quand elle a « secouru la France (. .. ) au moment où la France était épuisée dans la plus absurde et la plus sanglante des guerres », en 1944 quand elle est revenue « nous libérer de l'effroyable tyrannie qui menaçait de nous asservir ». Comme si l'Hyperpuissance n'avait pas depuis touché les dividendes, et au-delà, de ses interventions (d'ailleurs tardives, comme si elle avait attendu que les candidats au suicide collectif fussent agonisants pour agir) de 17 et de 44 ! Mais qu'importe. Estimant ne pas être allé encore assez loin dans la lèche, l'Elyséen joue encore et toujours de la brosse à reluire: « Les enfants de ma génération, en écoutant leurs pères, en regardant les films, en lisant les livres d'histoire et les lettres de vos soldats morts sur nos plages de Normandie ou de Provence, en visitant les cimetières où flotte la bannière étoilée, ont compris que ces jeunes Américains de vingt ans étaient des héros auxquels nous devions d'être des hommes libres et non des esclaves. L'Amérique nous a libérés. C'est une dette éternelle. Et en tant que Président de la République française, mon devoir c'est de dire au peuple d'Amérique que la France n'oubliera jamais le sacrifice de vos enfants, et (... ) que la gratitude de la France est définitive. » Tout comme la "dette" est imprescriptible.
On ne s'étonnera donc pas qu'avant de quitter son cher George Bush, Nicolas Sarkozy lui ait promis que « nous ne quitterons pas l'Afghanistan parce qu'il en va de la solidité et de la pérennité de notre alliance et parce que c'est le combat contre le terrorisme», et qu'il réfléchisse même «à la meilleure façon d'aider à l'émergence d'un Afghanistan démocratique», y compris « en donnant d'autres moyens, militaires ».

Faut-il rappeler que 1100 soldats français participent déjà à la Force internationale de stabilisation de l'Afghanistan où, a déclaré le chef de l'Etat, également chef des Armées, ils resteront «aussi longtemps qu'il le faudra» bien qu'ils aient déjà essuyé de lourdes pertes - parfois dans des circonstances abominables puisque éventrés vivants, cf. le Daily Mail du 1er octobre 2006 - car «ce qui est en cause dans ce pays, c'est l'avenir de nos valeurs et celui de l'Alliance atlantique» ? Un langage en totale contradiction avec celui tenu il y a sept mois à peine par le candidat à la présidence de la République, qui s'était dit favorable à un retrait de ces forces. Mais sans doute est-ce là sa conception de la "rupture". Comme on aimerait que le successeur de Chirac fût aussi soucieux de défendre «nos valeurs» dans les "quartiers" !
POUR comprendre l'alignement servile de l'actuel président français sur le clan neo-conservative et le lobby ayant mis les Etats-Unis en coupe réglée - « la perspective d'un Iran doté de l'arme nucléaire est inacceptable pour la France ... Nul ne doit douter de notre détermination », a-t-il également déclaré devant les parlementaires américains -, il faut évidemment prendre en compte son origine ethnique et son cursus. Le 25 octobre dernier, lors d'une cérémonie officielle, l'Américaine Karen Hugues, sous-secrétaire d'Etat chargé de la Diplomatie et des Affaires publiques, ne s'est-elle pas félicité du fait que « plus de 130 participants à nos programmes depuis 1945 soient devenus les leaders de leurs pays, y compris l'actuel Premier ministre de Grande-Bretagne [Gordon Brown], le président de la France [Nicolas Sarkozy] et le président de la Turquie [Abdullah Gül] ? »
Autrement dit: « Sarko l'Américain» a été formé par la diplomatie d'une puissance peut-être amie, mais étrangère. N'est-il pas surprenant qu'aucun média français n'ait fait écho à cette révélation? Il est vrai qu'à part Libération et France 3 (dans son journal méridien, information d'ailleurs supprimée le soir), aucun media n'a non plus rnentionné qu'à Washington, le petit-fils de Aaron Beneco Mallah a été le 7 novembre au matin l'hôte des organisations juives, dont l'American Jewish Committee, qui lui ont remis le très envié prix « Light on the Nation», ainsi nommé par référence au verset d'Isaïe (AT Is. 42-6), où l'Eternel dit à Israël qu'il le « prendra par la main (...) pour être la lumière des nations ».
Cette lumière exige aujourd'hui le bombardement de l'Iran, non plus pour la sauvegarde des seuls Israéliens mais « au nom de tous les martyrs de la Shoah » comme l'a dit le Premier ministre Ehoud Olmert en visite à la Maison-Blanche après son passage du 22 octobre à Paris où il avait été reçu par Nicolas Sarkozy et Bernard Kouchner.
Est-ce pour préparer l'opinion à la nouvelle agression d'un pays souverain, « au nom de tous les martyrs de la Shoah » et cette fois avec la participation de la France, auxiliaire extatique du « rêve américain », qu'a repris sur les petits et grands écrans (avec deux émissions sur Bousquet, une autre sur les habiroux en France, une quatrième sur un drame de la déportation et, au cinéma, le tintamarre autour d'un film sur Barbie) un matraquage que ne justifie aucun anniversaire, alors que Sarkozy candidat s'était déclaré hostile à toute repentance? La question mérite en tout cas d'être posée. Peuple averti en vaut deux, et les salariés du service public qui font grève, inquiets de l'avenir de leur régime spécial de retraites, devraient nourrir bien d'autre sujets d'angoisse.
RIVAROL nov 2007

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