jeudi 13 décembre 2007

Les nouveaux fournisseurs de l'Elysée

Adieu Corona et tête de veau, chères à Chirac. Le nouveau président se nourrit de yaourts et de chocolats. Mais se rattrape sur le shopping de luxe. Et dans les bureaux, Internet et écrans plats fleurissent.
La dernière fois que Nicolas Sarkozy a passé la porte de Hilditch & Key, sous les arcades de la rue de Rivoli, c'était deux jours avant son investiture. Il y a acheté une dizaine de chemises. A rayures rouges, imprimées de petits carreaux, bleu clair sans motif ... Comme Karl Lagerfeld, Michel David-Weill et trois générations de Rothschild, le président apprécie le tissu souple, découpé à la main, et les boutons de nacre, vendus dans cette boutique anglaise. Prix à l'unité: 129 euros, à quoi il faut ajouter 30 euros, car le chef de l'Etat se toque de faire broder ses initiales sous la poche, à la manière des gens bien nés.
Le nouveau locataire de l'Elysée aime le luxe et ne s'en cache pas. Alors que son prédécesseur se complaisait sous les dorures du «château», appréciant la bonne chère, le service au cordeau et la tranquillité des jardins, le quinquagénaire tout juste divorcé préfère sa collection de Rolex et l'écran plat de 132 centimètres installé dans son bureau. Autre style de vie, autre ambiance. Depuis que Nicolas Sarkozy s'est installé rue du Faubourg-Saint-Honoré, le palais a pris des airs de start-up. Sa directrice de cabinet se déplace en trottinette électrique sous les lambris, ses conseillers sont vissés à leurs smartphones et les plateaux-repas ont remplacé les copieux déjeuners servis dans de la porcelaine de Sèvres. «On bosse!», se rengorge Franck Louvrier, le conseiller en communication. En apparence, cette frénésie coûte cher: le mois dernier, l'Elysée a annoncé à la commission des Finances de l'Assemblée nationale que son budget s'élèverait à 100 millions d'euros en 2008, contre une trentaine les années précédentes. Mais ce triplement s'explique par l'intégration de dépenses qui étaient jusqu'à présent prises en charge par plusieurs ministères. En particulier les salaires des nombreux fonctionnaires détachés.

Coupe de cheveux à 500 euros et costumes Dior à 1 500
L'Elysée a-t-il profité de cette remise à plat _longtemps réclamée au nom de la transparence par René Dosière, député apparenté PS et auteur de «L'Argent caché de l'Elysée» (Editions du Seuil) - pour augmenter discrètement ses dépenses? «Non, répond Emmanuelle Mignon, directrice de cabinet de Nicolas Sarkozy. Sous Chirac, elles étaient en réalité supérieures à 90 millions d'euros. Mais, comme il n'y avait pas de logiciel de gestion, les comptes n'étaient pas précis.» Incroyable, mais vrai.
Il faut dire aussi que l'ex-maire de Neuilly-sur -Seine vient de bénéficier d'une augmentation dont aucun cadre n'oserait rêver. Son salaire, on le sait, est passé de 7084 à 19331 euros net par mois, soit un bond de 172% très exactement. «Maintenant, le président paie les charges de son appartement de l'Elysée, sa garde-robe, ses vacances et ses sorties privées», jure Emmanuelle Mignon. Elle ne précise pas s'il règle rubis sur l'ongle dentifrices antigingivite et brushings parfaits, réalisés deux fois par mois par Salima, sa coiffeuse depuis dix ans. Salariée chez Alexandre Zouari (qui compte Deneuve et Adjani dans sa clientèle), elle se déplace à l'Elysée pour 300 euros en semaine, 500 le week-end. Si le président paie vraiment avec sa carte Gold ou son chéquier, alors ce sera une nouveauté dans la maison. Ses prédécesseurs, eux, étaient plutôt adeptes du liquide.
Le renflouement de sa fiche de paie devrait permettre à notre homme d'assouvir son goût pour le shopping. Comme son ex-épouse, qui prisait les virées au Bon Marché, les robes Prada et la Crème de la mer à 500 euros les 100 ml, Nicolas apprécie les meilleurs couturiers. Il n'est pas rare que sa secrétaire personnelle appelle Dior, avenue Montaigne, pour «privatiser» la boutique sur les coups de 20-21 heures. C'est là qu'il choisit ses costumes à environ 1500 euros pièce. Mais le chef de l'Etat n'est pas toujours fidèle à cette marque de LVMH puisqu'il se procure aussi des complets sur mesure auprès des frères Boglioli, tailleurs italiens distribués par les boutiques Victoire, très appréciés par Bill Clinton et Mick Jagger.


Cinquante smartphones ont été distribués aux principaux collaborateurs
Avec son nouvel et bel argent, Nicolas Sarkozy pourra aussi continuer à collectionner les stylos Montblanc et les montres de luxe qu'il porte parfois, façon «racaille», par-dessus le tissu de sa chemise. Il en possède déjà de fort jolies: Rolex Daytona en acier sur fond noir à 6 300 euros, Breitling Navitimer à 3 640 euros, Réveil du tsar de Breguet à 28 000 euros ...
En plus de ces petites folies, le patron est gourmand en personnel 341 cerbères veillent nuit et jour sur sa sécurité. C'est huit de plus que sous Chirac. «Mais Sarkozy se déplace quatre fois plus. En six mois, il a déjà fait 47 "voyages", justifie sa directrice de cabinet. Comme le nouveau président reçoit 1800 missives par jour, soit deux fois plus que son prédécesseur, il a fallu affecter douze agents supplémentaires au service de la correspondance qui en comptait déjà 107, rien que pour décacheter, trier et répondre sur papier à en-tête de la présidence. Le site Internet diffusant en boucle ses discours et les interventions de son porte-parole mobilise quatre temps pleins. Enfin, le chef de l'Etat s'est entouré de 49 conseillers, contre 45 auparavant, épaulés par pas moins de 128 secrétaires particulières. «Certains viennent du privé ... Il a fallu se donner les moyens de les attirer au palais», remarque un député UMP. Sans doute est-ce la raison pour laquelle l'enveloppe salariale des 98 contractuels est passée de 3,2 à 4,18 millions d'euros. De même, le montant des primes distribuées chaque année a bondi de 6,9 à 7,7 millions d'euros. Ainsi, l'an prochain, les charges de personnel augmenteront-elles de 13,5%, selon l'annexe au projet de loi de finances pour 2008.
Ce n'est pas tout. Il a aussi fallu dépoussiérer les bureaux. Deux semaines après l'investiture, un conseiller sur deux n'était pas encore connecté à Internet: un prestataire extérieur a effectué fissa les branchements sur Numericable et installé le logiciel de mails Outlook, jusqu'alors inexistant. Un ingénieur polytechnicien a été débauché du ministère de la Défense pour diriger le service informatique et assurer la sécurité des communications. Dans la foulée, cinquante smartphones de la marque HTC ont été distribués au cabinet et aux chefs des différents services. Coût de l'opération, selon nos calculs: près de 20000 euros. Une dizaine d'écrans plats Philips et Toshiba ont aussi été installés dans certains bureaux. Le porte-parole David Martinon, l'expert en culture Georges-Marc Benamou ou encore la directrice de cabinet en ont bénéficié. «Ce sont des prêts à des fins promotionnelles. L'Elysée n'a rien déboursé», plaide cette dernière.

On lui commande ses chocolats par boîtes de 500 grammes
Une chose est sûre: contrairement à Chirac, qui se délectait d'escargots à l'ail et d'agneau rosé aux fines herbes, Sarkozy ne coûte pas cher en bonne chère. «Le président n'aime pas manger: il grignote», regrette Hugo Desnoyer, l'un des bouchers qui fournissent le «château». Fromage blanc à l'aspartame, yaourts, copeaux de mimolette, oeufs à la coque ... Nicolas n'a qu'un péché mignon: le cacao. Aussi craque-t-il pour les ganaches de La Maison du chocolat, que ses intendants lui achètent par boîtes de 500 grammes. Quant aux sommeliers, ils dépriment dans la cave élyséenne. Leur boss carbure à l'Evian et ne s'autorise même pas une petite goutte pour s'endormir. Les temps ont bien changé...
Olivia Elkaim Capital dec 2007

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