mardi 29 janvier 2008

UNE FANFARONADE

Ces jours-ci il ne faut pas se mélanger les pinceaux sur les quotas. Sarkozy veut imposer des quotas d'immigration, mais il veut supprimer les quotas sur les poissons. Les quotas d'immigration, c'est pour qu'il y ait plus d'immigrés. Les quotas sur les poissons, c'est pour qu'on en pêche moins. Sarkozy veut donc à la fois plus d'immigrés et plus de poissons. Parce qu'il veut plus de tout et faire plaisir à tout le monde : aux grands patrons comme aux patrons pêcheurs.
La différence de destin entre les deux projets est cependant de taille. Et l'on touche là de près l'imposture Sarkozy.
Imposer des quotas d'immigration, les maîtres de l'Union européenne y sont tout à fait favorables, parce que tout ce qui accroît l'immigration reçoit leur plein soutien. La Commission européenne a ainsi publié des livres verts (dont Sarkozy s'est largement inspiré) par lesquels elle donne d'avance son aval à toutes les politiques de relance de l'immigration.
En revanche, en ce qui concerne les quotas sur les poissons, vouloir y toucher est un casus belli à Bruxelles. Le discours de Nicolas Sarkozy, samedi dernier, aux pêcheurs de Boulogne, n'était qu'un pur effet d'annonce : le président de la République a beau rouler des mécaniques, il sait parfaitement qu'il raconte des histoires.

Comme la TVA sur la restauration

L'affaire ressemble comme deux gouttes d'eau de mer à celle du taux de TVA sur la restauration. En 2002, Jacques Chirac avait promis de réduire ce taux. Au lendemain de son élection, le commissaire Bolkestein avait fait savoir de façon quelque peu brutale que c'était impossible et que Jacques Chirac le savait. En 2007, Nicolas Sarkozy a fait la même promesse, et le commissaire ad hoc, un Hongrois cette fois, a fait la même réponse, en termes plus polis.
Il est impossible de réduire le taux de TVA sur la restauration en France parce que cela relève de l'Union européenne et qu'il faudrait que tous les pays soient d'accord, or ils ne le sont pas.
Pour la pêche, c'est le même cas de figure. La pêche est du domaine de la politique communautaire. En clair, cela veut dire que c'est la Commission européenne qui décide. Certes, on fait semblant d'organiser des réunions des ministres, puisque, en théorie, c'est le conseil des ministres qui décide. Le scénario est toujours le même : la Commission fait des «propositions », qui suscitent de vives critiques. Et l'on finit par se mettre d'accord, selon les bonnes vieilles règles du marchandage, sur ce que voulait en fait la Commission.
Vu l'« évolution »du discours officiel, il faut rappeler ce que disait Nicolas Sarkozy à Boulogne :
« A partir du moment où tout le monde dit que la ressource est revenue, il faut qu'on ait une réponse beaucoup plus souple sur les quotas, quels que soient les espèces et les lieux de pêche. La première chose, c'est l'affaire des quotas : il faut qu'on en sorte et on a une opportunité pour en sortir, c'est que la France va présider l'Union européenne du 1er juillet au 31 décembre. C'est une opportunité pour engager un dialogue très approfondi, très fort, avec la Commission. »
Le soir même, Michel Barnier, qui est pourtant un européiste patenté, et qui a été commissaire européen, se faisait docilement la voix de son maître, disant qu'il fallait une« remise à plat» des quotas.

Mais le lendemain, le commissaire européen (aux ... Transports) Jacques Barrot défendait bec et ongles les quotas définis par la Commission européenne. Et il ajoutait que la France, même quand elle présidera l'Union, ne pourra agir seule dans ce domaine: « La présidence de l'Union peut toujours inscrire à l'ordre du jour, en accord avec les autres Etats membres, une réflexion plus approfondie. Mais ce qui est vrai, c'est qu'il faut quand même bien comprendre que ça ne peut pas être une décision unilatérale, que nous sommes liés par les traités qui ont communautarisé la pêche. »Donc on ne touche pas aux quotas; et Sarkozy ne peut même pas inscrire la question à l'ordre du jour sans avoir l'accord de tous les partenaires.
Lundi matin, Michel Barnier avait repris ses esprits. Il publiait un communiqué. pour dire que« la France n'entend pas préconiser un abandon» du système des quotas mais« engager une réflexion pour sortir des difficultés actuelles de gestion des quotas et améliorer ce système en corrigeant certaines de ses faiblesses » ...
Ainsi pourrait-on aller vers une« gestion pluriannuelle » et non plus annuelle des quotas autorisés. Et le ministère de rappeler la nécessité des quotas pour assurer un prélèvement adapté sur les ressources halieutiques et permettre un partage équitable des' possibilités de pêche ...

Un coup d'épée dans l'eau de mer

Il n'est donc plus du tout question de« sortir de l'affaire des quotas », et surtout, on fait l'impasse sur l'argument que Sarkozy mettait en avant: « Tout le monde dit que la ressource est revenue. »Et cela est significatif. La Commission européenne, qui n'a eu aucun mal à se faire entendre de Michel Barnier, ne commente ni dans un sens ni dans l'autre l'affirmation du' président de la République. Elle ne dit pas : il n'est pas question de toucher aux quotas, parce que malheureusement la ressource en poissons n'est pas revenue. Ou bien: on pourrait en effet revoir le système, puisqu'il semble que la ressource revienne. On défend le dogme des quotas, parce que c'est un dogme, l'un des innombrables dogmes malthusiens de la Commission européenne, qui vise à réduire la production dans tous les domaines (y compris dans le domaine de la génération humaine, pour remplacer les Européens par des immigrés).
Ce lundi, les ministres de la pêche se réunissaient à Bruxelles. A propos, on remarque rarement l'incongruité qu'il y a à voir un ministre autrichien, un ministre slovaque ou un ministre tchèque prendre position dans ce domaine, d'autant qu'en raison de la dictature écologiste ils sont forcément favorables aux quotas les plus sévères, n'ayant aucun pêcheur parmi leurs électeurs.
"L'actuel président de ce conseil est donc le ministre slovène, qui est à peine plus qualifié, puisque la Slovénie affiche 170« navires »de pêche (la plupart de moins de 12mètres). Et bien entendu le ministre a aussitôt rappelé que les quotas sont« l'un des instruments dont nous avons besoin ». (Il faut savoir en outre que les Slovènes ont déjà publiquement fait part de leur irritation de voir Sarkozy parler sans arrêt de la présidence française du second semestre comme si la présidence slovène n'existait pas.) Le ministre allemand a embrayé sur le même thème, puis le ministre portugais ...
Bref, Sarkozy va pourfendre les quotas de pêche exactement comme Chirac est venu à bout du taux de TVA dans la restauration. Il ne restera de son coup d'éclat qu'une désillusion de plus, et quelques sourires narquois à Bruxelles.
Y.D. daoudal@fr.oleane.com National Hebdo

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