dimanche 10 février 2008

La trahison et le mensonge


336 députés, 265 sénateurs français ont scellé, jeudi, le destin de la France institutionnelle par un OUI européen et massif au traité de Lisbonne. Un vote par lequel la France n’a pas « fait son retour vraiment en Europe », comme le dit le commissaire européen aux Transports Jacques Barrot, mais s’y est politiquement dissoute.
Certes, la politique n’est pas le tout, ni même peut-être le principal, d’un pays, d’une nation. Elle en est du moins l’une des expressions les plus visibles, et sa représentation officielle.
Or, le traité de Lisbonne reconnaît une personnalité morale à l’Union européenne, lui concédant donc la qualité d’Etat ; d’un Etat qui, par son mode de fonctionnement et ses lois, est au-dessus – et comment en serait-il autrement ? – des Vingt-Sept qui, pour l’heure, le composent. Face à cette réalité, l’affirmation sarkozyste sur la non-constitutionnalité du traité de Lisbonne, par ailleurs contraire à une réalité qu’affirment les principaux responsables politiques européens, apparaît pour ce qu’elle est : un misérable tour de passe-passe.
De ce fait, les représentants du peuple français, en adoptant ledit traité, ont commis, à l’égard du peuple français, et donc de la France, une trahison. Une trahison, car ils ont agi sans mandat. Mieux ! ils ont agi contre la volonté exprimée par le peuple souverain le 29 mai 2005, qu’on vient de lui imposer, par un mensonge, mais quasiment mot pour mot (voir notamment en page 4).
Les pseudo-opposants socialistes ont marqué, par leur vote positif ou même leur abstention, que leur revendication d’un référendum n’était pas fondamental. D’ailleurs, comme le soulignait récemment, avec honnêteté ou cynisme, Rama Yade (Présent du 7 février) : « Ce référendum a déjà eu lieu lorsqu’en mai, les Français ont choisi Nicolas Sarkozy. »
Une affirmation qui vient confirmer la réalité des faits face aux gesticulations politiques, et qui souligne que le rassemblement promis par le candidat Sarkozy – et dont on sait aujourd’hui qu’il se définit comme ouverture – n’était qu’une tromperie destinée à obtenir le suffrage d’un maximum d’électeurs, y compris de ceux qu’en réalité tout oppose, et auxquels le candidats de l’UMP a voulu faire croire, tour à tour, qu’il épousait, plus ou moins, leur façon de voir.
Il ne s’est donc trouvé au Parlement (d’où, comme on le sait, le Front national est absent) quasiment que les souverainistes, les communistes et quelques Verts pour s’opposer à ce tragique abandon.
L’Histoire jugera sans doute durement cette page du 7 février 2008. Mais elle porte déjà sa condamnation dans une déclaration d’un responsable de l’UMP (qui semble l’avoir oubliée), à l’occasion du Conseil national du 9 mai 2004.
Celui-ci déclarait alors :
« Si l’Europe reste la seule affaire des responsables politiques et économiques, sans devenir la grande affaire des peuples, reconnaissons que l’Europe sera, à plus ou moins brève échéance, vouée à l’échec.
« Bien sûr, l’Europe doit être au service des peuples, chacun peut le comprendre. Mais l’Europe ne peut se construire sans les peuples, parce que l’Europe, c’est le partage consenti d’une souveraineté et la souveraineté, c’est le peuple. A chaque grande étape de l’intégration européenne il faut donc solliciter l’avis du peuple. Sinon, nous nous couperons du peuple.
« Si nous croyons au projet européen comme j’y crois, alors nous ne devons pas craindre la confrontation populaire.
« Si nous n’expliquons pas, si nous ne convainquons pas, alors comment s’étonner du fossé qui risque de s’amplifier chaque jour davantage entre la communauté européenne et la communauté nationale ?
« Je le dis comme je le pense, simplement. Je ne vois pas comment il serait possible de dire aux Français que la Constitution européenne est un acte majeur et d’en tirer la conséquence qu’elle doit être adoptée entre parlementaires, sans que l’on prenne la peine de solliciter directement l’avis des Français.
« J’appartiens à la famille gaulliste qui, à tort ou à raison, a toujours considéré le référendum populaire comme l’une des expressions les plus abouties, pas la seule mais l’une des plus abouties, de la Démocratie. »
Ce responsable politique s’appelait Nicolas Sarkozy…
OLIVIER FIGUERAS
Source : Présent

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