lundi 19 mai 2008

HARO SUR LES PETITS COMMERÇANTS!

Le lobby des grandes surfaces a gagné
Le dernier gadget mis sur orbite par le gouvernement Fillon porte le sigle "LME". Il s'agit de la loi de modernisation économique, adoptée en conseil des ministres. Présenté par le ministre de l'Économie Christine Lagarde, le texte est inspiré par l'Élysée. Sarkozy a déclaré que les prix montaient "parce qu'il n'y a pas assez de concurrence", et "pas seulement à cause de la hausse des matières premières ". Professeur d'économie très simplificateur, le président fait lancer une loi fourre-tout, de 41 articles, touffue et contradictoire. Et qui profite aux distributeurs, contre les PME et le petit commerce.
Sarkozy a en effet découvert les fauteurs de la vie chère, Les pétroliers, les financiers internationaux, les spéculateurs sur les matières premières, le système boursier, le mondialisme ? Pas du tout. C'est le petit commerce, les fournisseurs de la grande distribution, les PME, les agriculteurs, tous sont des profiteurs de la hausse des produits de base, Cette extraordinaire découverte lui a été suggérée par Bruxelles. Sarkozy a aussitôt acquiescé.
Seulement, il y a quelques obstacles. Certes, on n'est plus en période électorale, mais il faut quand même faire attention. En particulier aux maires, qui s'émeuvent de l'inflation des hypers autour des villes. Ceux-ci ne sont accessibles qu'en voiture, ce qui n'est pas vraiment bon pour l'écologie. Et le commerce de centre-ville disparaît, créant, en plus des déserts ruraux, d'autres déserts en plein milieu de métropoles régionales. Des catégories entières d'activités sont sinistrées, et des bataillons d'électeurs lâcheront l'UMP à la prochaine occasion.
Sarkozy a donc freiné Lagarde sur les concessions faites à la grande distribution. Les ouvertures de nouvelles grandes surfaces sont facilitées, le seuil de 300 m2 passe à 1 000 m2, et cela est présenté comme un bienfait, car les « hard discounters », amateurs de cette superficie, vont, paraît-il, en profiter pour baisser les prix, au détriment de la mégadistribution. Or, ce type de magasins est contrôlé par les hypers, dont ils constituent un réseau de sous-marques. Et un maillon intermédiaire, adapté aux villes moyennes, et ne concurrençant pas les "grands" sur de très nombreux produits.

Boucs émissaires de la vie chère
La liberté de négociation des prix, thème majeur de la LME, représente un renversement complet de la politique suivie jusqu'ici. La grande distribution triomphe, même si elle attendait plus. Afin d'apaiser les PME-PMI, Lagarde a souligné la réduction des délais de paiement. Pour qui connaît les astuces de facturation, il est clair qu'une fois de plus, cette disposition restera lettre morte, d'autant que l'Etat est le premier à violer ce genre de règles contractuelles. D'autres mesures revêtent des allures cosmétiques, comme la suspension des seuils sociaux, blocages à l'embauche. Mais cette suspension, comme son nom l'indique, n'est que temporaire. Il s'agit par conséquent d'un piège, et il est douteux que les PME se précipiteront tête baissée dans le panneau.
Fidèle à ses amitiés intéressées affichées au moment de son arrivée au pouvoir, Sarkozy a choisi les grandes entreprises à caractère supra national contre la masse des petites. En dépit des divers syndicats patronaux de branches professionnelles et du MEDEF, qui sont les auxiliaires du gouvernement en la matière, la LME se heurtera sans doute à une opposition résolue de la part de ceux qu'elle transforme en boucs émissaires de la vie chère.
Alexandre Martin National Hebdo du 8 au 14 mai 2008

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