samedi 24 mai 2008

LE FAUX "SERVICE MINIMUM" DE SARKOZY

La grève de l'Education nationale a été l'occasion renouvelée d'une bataille de chiffres entre syndicats d'enseignants et ministère. D'un côté, on parle de 65% de grévistes, de l'autre on estime les cessations de travail au quart ou au tiers des personnels concernés. Succès ou semi-échec, les commentaires sont à côté des réalités. Le seul décompte qui importe est celui du nombre d'enfants qui ont été privés de leur journée de classe ordinaire. Celui-là n'est fait par aucun des ,deux camps. Et, du coup, on tombe dans un remarquable dialogue de sourds entre l'opinion et ceux qui s'adressent à elle, en première ligne, le chef de l'Etat Sarkozy, qui joue la fermeté avec une annonce dénuée de base concrète.
Le dénombrement des grévistes dans la Fonction publique en général, dans l'Education en particulier, relève de l'exploit. Il y a des gens sur place qui ne travaillent pas ou ne peuvent travailler, du fait de l'absence d'un autre collègue. Ou de la désorganisation d'un service. Cette évidence échappe à Sarkozy, manifestement. Il a voulu effacer l'effet de l'ampleur de la grève et de ses cortèges, lesquels, sans être « révolutionnaires », ont revêtu une importance certaine. Le feu-follet institutionnel a donc proclamé le « droit à l'accueil » obligatoire dans toutes les communes. Ce qui signifie que du personnel communal remplacera les grévistes, les enfants se retrouvant de la sorte en garderie. Les cours ne sont pas assurés en cycle élémentaire, et les éléments pédagogiques instillés en maternelle disparaissent de même.

Classes moyennes exclues
Cette garderie verra sa « charge financière assurée par l'Etat ». Comment ? Par le transfert des sommes retirées aux grévistes déclarés. Bien entendu, cela ne peut correspondre, et les commentateurs ne l'ont pas relevé. D'abord, parce que très peu de grévistes suffisent à paralyser une école entière. Dans ce cas l' établissement ferme. Les parents alors réagissent à leur façon. L'expérience montre que selon le cycle suivi par l'élève, la présence des enfants en « service minimum d'accueil », quand il existe, varie de 5 % à 35 % (plus l'enfant est âgé, moins ses parents recourent à cette garderie d'exception). De nombreux problèmes pratiques en résultent, s'agissant de cantines, d'assurances, d'aptitudes du personnel communal pour la surveillance des plus jeunes, et autres. Le ministère de l'Education nationale a jugé probant l'accueil de 2 837 communes « volontaires» lors de la grève du 15 mai. Environ 10 % des communes concernées. Or, les villes les plus importantes, à majorité de gauche, se refusent à faciliter la « garderie spéciale» .
Par son « service minimum », Sarkozy ne supprime pas les effets les plus graves d'une interruption de l'enseignement, les cours non assurés, et en pratique jamais rattrapés. Il accentue les discriminations envers les classes moyennes, car il a cru bon de motiver le « droit à l'accueil » par cette considération discriminatoire : « Le droit au travail pour les familles qni n'ont pas les moyens (de faire garder leurs enfants) doit être garanti.» Comment mesurera-t-on cette « absence de moyens » ? Sarkozy, contrairement à ce qu'ont dit les syndicats d'enseignants, n'attaque pas le droit de grève dans les écoles, collèges et lycées, il armonce une mesure destinée à le rendre plus supportable, c'est tout. Son attitude n'est pas claire. En fait, il n'a pas la capacité de mobiliser l' ensemble des communes, avec ou sans une loi, pour cet « accueil », si limité soit-il.
Sur le fond, le problème des effectifs suppose une réforme totale de l' enseignement, non envisagée par les pouvoirs publics. Leur catalogue de mesures entrainera une guerre de positions acharnée, très longue, et qui ne changera pas grand chose. L'augmentation des rémunérations sur la base de la défiscalisation et de l'exonération des charges sociales des heures supplémentaires, montrera très vite ses limites restreintes. Sarkozy a le pouvoir de faire ployer le mammouth. Il n'en a pas la capacité.
Le domaine de l'Education ne souffre pas d'une communication "gesticulatrice", mais suppose le courage tranquille et modeste, accompagné d'une connaissance parfaite des dossiers. Malheureusement, la compétence requise n'est pas au rendez-vous!
Alexandre Martin National Hebdo du 22 au 28 mai 2008

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