vendredi 26 décembre 2008

Petit Nicolas divise pour mieux saigner

Exemplaire, la manœuvre de Nicolas Sarkozy sur la taxe professionnelle a agi comme un révélateur. Les petits patrons, les indépendants en général, savent maintenant à quoi s'en tenir au sujet de leurs "défenseurs".
Beaucoup de gens seraient tentés de se désintéresser du problème de la taxe professionnelle. En quoi un impôt touchant les entreprises peut-il les concerner ? En fait, la "TP" est une taxe sur l'emploi, profondément injuste, qui accentue les déséquilibres entre régions, départements et communes. Ainsi, sur le seul plan municipal, son taux moyen se situe-t-il à 19,29 % en Seine-Saint-Denis, et 9,52 % dans les Hauts-de-Seine, départements de la même région Ile-de-France.
L'actuel gouvernement avait fait de la baisse des charges des entreprises son credo, et les patrons, petits et grands, l'avaient cru. Puis, tout au long du printemps et de l'été 1994, s'était déroulée la confuse discussion autour du très tortueux « aménagement du territoire » concocté par Pasqua. La "réforme" de la TP annoncée par le ministre de l'Intérieur était progressivement apparue comme un gigantesque piège, dissimulant mal de futures hausses massives. Aussi, période électorale oblige, ce point essentiel du dispositif Pasqua avait-il été mis, à titre provisoire, entre parenthèses. Dans son coin, Petit Nicolas veillait cependant. Pour le ministre du Budget, il s'agissait de récupérer de l'argent, en mettant la gauche de son côté, et en isolant les ponctionnés. Sarkozy fit savoir alors qu'il envisageait l'augmentation du plafond de la TP, de 3,5 à 4 % de la TVA. Aussitôt, mobilisation générale de tous les patrons, choqués surtout par le revirement de principe du pouvoir. Là-dessus, Petit Nicolas déclare un beau dimanche que « seules les grandes entreprises » seront frappées, les PME ayant moins de 50 millions de francs de chiffre d'affaires seraient épargnées.
Des louanges empressées le saluent instantanément, en provenance de Lucien Rebuffel, pour la CGPME, et de Philippe Courtin, pour les débris de l'ex-SNPMI. Enfin, on établissait une distinction fiscale entre "petits" et "gros" : merci, Sarkozy ! La fausseté du raisonnement est ahurissante : les milliers de grandes entreprises concernées répercuteront à coup sûr leur manque à gagner sur leurs sous-traitants PME qui, de la sorte, paieront aussi la hausse Sarkozy. Quant aux 50 millions de chiffre d'affaires, ils ne signifient pas grand-chose, car ce qui compte dans une entreprise, c'est la "marge", et on peut faire 100 millions de CA et se trouver au bord de la liquidation.
Au passage, on relèvera que l'organe du PC, L'Humanité, a approuvé sur deux pages entières la hausse de la TP, et fait des propositions, ressemblant curieusement à celles de Pasqua. Le libéral-étatisme de Balladur aboutit à de remarquables rencontres.
René-Louis DUVAL National Hebdo du 29 septembre au 4 octobre 1994

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