jeudi 11 septembre 2008

Dépénalisation du droit des affaires

Un cadeau fait aux banksters ?
SCANDALE de la Société Générale, délits d'initiés autour d'EADS, centaines de millions d'euros en liquide transitant par les caisses du MEDEF...
Quelle était l'urgence, face à la multiplication de ces comportements délictueux qui franchissent allègrement les frontières de toute décence, à l' heure où le Premier ministre reconnaît l'« état de faillite » de la France, tandis que le président admet que « les caisses sont vides » et où l'on s'apprête à demander au bon peuple de nouveaux efforts de "rigueur" et de "solidarité" (comprendre : moins de pouvoir d'achat et plus d'impôts... )?
Dépénaliser le droit des affaires bien sûr ! C'est-à-dire lutter contre « une pénalisation excessive de la vie économique qui produit des effets pervers et pèse sur l'attractivité économique de la France » comme le précise la lettre de mission confiée par la gouvernance Sarkozy à un aréopage de magistrats et de personnalités du big business (dont le directeur juridique de la Société générale et son avocat pénaliste, prière de ne pas sourire... ) chargé de plancher sur cette cruciale et urgente question.
Difficile de ne pas voir dans l'existence de ce « groupe de travail », qui a rendu son rapport le mercredi 20 février, la satisfaction de l'une des exigences du lobby des affaires qui cornaque notre coruscant président et se montre avec lui d'une très grande générosité en matière de prêts d'avions privés et de résidences luxueuses.
En effet, quelles réalités dissimule-t-on derrière la rassurante phraséologie administrative et les prétendues « exigences d'efficacité » ?
Tout d'abord la remise en cause des règles de prescription en matière d'abus de biens sociaux, prétendu « cauchemar des chefs d'entreprise » (à condition qu'ils soient malhonnêtes oublie-t-on de préciser... ) car il est, dans les faits, quasiment imprescriptible. En effet, comme la plupart des autres délits financiers, il est théoriquement prescrit au bout de trois ans mais à cette différence près : le départ de la prescription démarre non pas au moment où le délit est commis, mais lors de sa découverte, qui peut intervenir bien des années plus tard.
Le groupe de travail propose donc de porter le délai de prescription de l'ABS à sept ans mais de fixer le point de départ de cette prescription à la date de la commission des faits délictueux, nonobstant les tentatives de dissimulation.
Voilà une mesure qui, sans aucun doute, « améliorerait sensiblement l'attractivité de notre économie », surtout auprès des entrepreneurs indélicats et des investisseurs peu regardants sur la légalité ou la moralité des méthodes employées pour assurer leurs bénéfices.
Deuxième point clef du rapport : le passage des poursuites pénales aux poursuites civiles, beaucoup plus onéreuses, car à la charge du plaignant, ce qui ne manquera pas de freiner le nombre de mises en cause, les plaignants n'ayant souvent pas les mêmes moyens financiers que ceux qu'ils attaquent. Par ailleurs la procédure civile est surtout « gage de discrétion », une discrétion dont semblent très avides les éventuels futurs poursuivis.
Bref, le rapport du groupe de travail, qui dépend des attributions de la surchargée Mme Rachida Dati (garde des Sceaux, candidate aux municipales à Paris, conviée au moindre déplacement à l'étranger de Nicolas Sarkozy), est un catalogue d'assouplissements et d'affadissements de notre législation qui semble prendre en compte exclusivement la position et les desiderata du mis en examen sans jamais se soucier du désir de transparence et de justice qu' exprime pourtant un peuple français de plus en plus écœuré par les dérives affairistes d'un pouvoir qui semble avoir remplacé la traditionnelle devise républicaine par « Argent, Rendement, Productivité ».
Comment, en effet, expliquer aux Français la nécessité d'un "allégement" de l'encadrement juridique des pratiques affairistes alors que les infractions financières ne sont déjà sanctionnées que par de très théoriques peines de prison (généralement du sursis), des amendes ridicules (plafonnées à 375 000 euros quand certains détournements peuvent atteindre le milliard) et que les « délits d'initiés » ne sont quasiment jamais condamnés, bien que souvent poursuivis pénalement, faute de preuves tangibles en amont ?
Exemple récent : on semble se diriger vers un abandon total des charges et poursuites à l'encontre des cadres d'EADS qui avaient opportunément revendu pour plusieurs millions d'euros d'actions juste avant l'annonce des mauvais résultats de leur entreprise.
Ainsi, les ouvriers licenciés à la suite du gigantesque gâchis causé par une gestion désastreuse qui, abjecte paradoxe, a rapporté des bénéfices colossaux à ses responsables, apprécieront sans doute à sa juste valeur l'impératif sarkoziste d'assurer toujours plus d'impunité à ces voyous en col blanc.
Mais le « président rolex » a semble-t-il besoin d'une justice à sa mesure... laxiste et complaisante envers les requins jamais rassasiés de la finance internationale.
Xavier EMAN. RIVAROL du 29 février 2008

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