mardi 30 septembre 2008

Bilan globalement négatif

CE n'est pas tous les jours qu'on se sent rajeunir. Il faut donc remercier Nicolas Sarkozy pour son numéro télévisé du 24 avril. On attendait l'hyperprésident mûri par l'exercice du pouvoir et les épreuves (il a reconnu quelques "erreurs" pour assurer tout aussitôt qu'elles étaient vénielles au regard de ses prodigieuses réussites), on eut le candidat - apôtre de la " valeur travail ", chantre de l'identité nationale, terreur de la voyoucratie et des clandestins allogènes - qui semblait invincible et en effet le fut. Le député UMP Lionnel Luca souhaitait que le chef de l'Etat « retrouve l'esprit de la campagne présidentielle : l'enthousiasme, le volontarisme et l'humilité ». Il a été entendu, au moins par éclipses, mais nous ne sommes plus en campagne, et la magie s'est dissipée, tout comme la fiction du couple idéal que Nicolas formait l'an dernier avec Cécilia - au fait, qu'est devenu le petit Louis, élément essentiel du plan marketing de 2007 ? Vit-il à Dubaï avec sa mère et le nouveau mari d'icelle ou à Paris avec son père ? Questions intéressantes mais que les journalistes se sont poliment abstenus de poser, se contentant de l'assurance donnée par le président que, dans sa « vie privée », « tout était rentré en ordre ».
L'émission s'intitulait « En direct de l'Elysée ». « 100 minutes pour convaincre » eût été un titre plus adapté, à ceci près que Sarkozy n'a convaincu que ceux qui, telle Nadine Morano tout heureuse d'avoir reçu un maroquin, avaient envie de l'être. Car dans ce bilan, les impasses ont alterné avec les mensonges, voire les énormités comme cet interminable développement sur l'impossible naturalisation des clandestins alors qu'on l'interrogeait sur leur régularisation. L'ancien avocat ignore-t-il à ce point le droit, ou s'est-il simplement projeté dans un avenir proche, les régularisés de demain étant les naturalisés (et donc les électeurs) d'après-demain ?
QU'IL y ait de la déception, qu'il y « ait des attentes, qu'il y ait des problèmes, qu'il y ait des difficultés, non seulement je le sais, je l'entends mais je m'y étais préparé », a notamment déclaré le chef de l'Etat. Mais, alors, pourquoi dit-il avoir été surpris en août par l'envolée du prix des hydrocarbures et la crise américaine des subprimes, qu'il accuse d'avoir, ainsi que la cherté de l'euro par rapport au dollar, torpillé sa politique de relance économique alors qu'il s'était voulu « le président du pouvoir d'achat » ? Outre qu'on n'a pas le souvenir que le très européiste Nicolas Sarkozy ait jamais été hostile à la monnaie unique, l'épuisement des énergies fossiles est un fait avéré : le 26 janvier 2001, le n° du 50° anniversaire de RIVAROL contenait un cri d'alarme à ce sujet, et il est du reste bien dommage que le candidat vedette de 2007 n'ait pas été un lecteur assidu de notre hebdomadaire car il aurait su depuis deux ans au moins à quoi s'en tenir sur l'inéluctable éclatement de la bulle immobilière états-unienne. A qui fera-t-il croire d'ailleurs qu'ayant pris pour conseillère puis ministre des Finances l'une des avocates d'affaires les plus réputées d'outre-Atlantique en la personne de Christine Lagarde, il ait tout ignoré des turbulences qui, au-delà de l'Hyper-puissance, allaient ébranler le monde et plomber durablement la croissance ? Si le parler-vrai s'imposait, c'était bien dans ce domaine au lieu de persuader les Français qu'il leur suffirait d'élire Nico l'Enchanteur pour entrer dans une ère de prospérité.
ET bien sûr de sécurité. Sur l'immigration, remise au premier plan de l'actualité par l'affaire des sans-papiers cuistots ou serveurs et dont l'expulsion « tuerait le tourisme » si l'on en croit les syndicats patronaux de l'hôtellerie curieusement alliés de la CGT, le président était très attendu et il a retrouvé les accents du candidat pour rappeler avec bon sens que la France entretenait déjà 22 % de chômeurs immigrés susceptibles d'accomplir les besognes dont les Français sont censés ne plus vouloir, et marteler que, voulant éviter « un appel d'air », le gouvernement ne procéderait pas à une régularisation massive mais agirait « dans le respect de la loi ». Dont ,il se garda bien de préciser qu'elle donne depuis novembre 2007 aux préfets une très large latitude pour régulariser « au cas par cas ». L'ennui étant que chaque "cas" s'ajoutant aux autres dans une parfaite opacité, on aboutit à une régularisation globale.
Nicolas Sarkozy peut bien s'enorgueillir des 22 000 expulsions réalisées selon lui pendant l'année écoulée, cela ne règle en rien le problème lancinant du demi-million de clandestins allogènes, véritable armée d'occupation renforcée bon an mal an par 30 à 100 000 supplétifs. Qui ne contribuent pas peu au climat de violence. Or, sur ce point aussi les journalistes interrogeant le chef de l'Etat se sont montrés d'un tact exquis, n'abordant pas une fois ce sujet dont le traitement volontariste fut pourtant l'une des clés de la victoire du candidat UMP. Or, l'échec en la matière est patent : le jour précédent sa prestation télévisée, une sexagénaire avait été poignardée à mort par un clandestin asiatique (normal : elle avait refusé de lâcher son sac) près des Buttes-Chaumont et, au moment même où il parlait, une vingtaine de Jeunes encagoulés lapidaient - et blessaient trois policiers patrouillant à Villepinte, dans cette Seine-Saint-Denis toujours aussi explosive un an après l'élection du Rambo à Kârcher. Qui, incapable d'assurer une sécurité minimale à ses sujets, envoie en revanche un bataillon supplémentaire en Afghanistan, pour montrer de quel bois il se chauffe aux Taliban, coupables d'attenter aux droits de l'humanité en obligeant les femmes à porter la burqa et en privant les petites filles d'une scolarité normale. Mais, à ce compte-là, il faudrait envoyer paras et légionnaires guerroyer aussi dans les Emirats, en Arabie saoudite et surtout dans l'Irak "libéré" où le deuxième sexe, privilégié sous le "tyran" Saddam Hussein qui lui avait ouvert toutes les portes (université, justice, diplomatie, Parlement), est retombé en servitude.
ENCORE une fois, on admirera la complaisance des journalistes, étonnamment discrets sur le virage atlantiste du chef de l'Etat - dont cela constitue la seule véritable "rupture" avec ses prédécesseurs - pourtant aussi spectaculaire que lourd de conséquences.
De même ont-ils avalé sans broncher la tirade antiturque de Sarkozy, lequel a répété que s'il ne voyait pas la nécessité de consulter les Français sur l'entrée de la Croatie dans l'Union européenne, il organiserait au contraire un référendum sur l'adhésion d'Ankara. Mais les négociations avec l'ex-Empire ottoman ne seront finalisées que dans une dizaine d'années, autrement dit quand Sarko aura cédé la place. Sa solennelle promesse ne l'engage donc nullement ! En revanche, sa révision constitutionnelle donnant au chef de l'Etat le choix entre un vote du Congrès et un référendum pour l'élargissement de l'Europe laissera la voie libre à son successeur pour la solution la plus scélérate.
Comment expliquer que pas un de nos confrères n'ait soulevé ce point essentiel ? Que pas un ne se soit étonné quand l'Elyséen a souligné que l'une des principales raisons de courtiser éhontément la Chine est que ce « grand pays » siège au Conseil de sécurité de l'ONU où il peut empêcher d'accéder à la maîtrise nucléaire l'odieux Iran, « qui menace l'existence de l'Etat d'Israël » ?
LE 6 mai 2007, les Français avaient cru élire un président qui les protégerait de la "racaille" et des prédateurs industriels, qui défendrait bec et ongles leur gagne-pain et qui, pour préserver l'avenir de leurs enfants et celui du pays, irait « chercher avec les dents le point de croissance » dont on attendait miracles. Ils se sont donné un apparatchik du Nouvel Ordre mondial dont « l'existence de l'Etat d'Israël » et le réalignement sur l'Oncle Sam sont les priorités en politique étrangère, la « discrimination positive » en matière raciale étant le mot d'ordre sur le plan intérieur, avec l'inféodation à la Pensée dominante, incarnée par Jacques Attali, et l'acceptation de la dislocation de pans entiers de notre économie, que va aggraver, sous prétexte d'amélioration du fameux pouvoir d'achat, la multiplication des supermarchés, gros consommateurs d'importations en tout genre.
« Sarko pire que Jacquot ? » s'interrogeait RIVAROL le 13 avril 2007. Un an, pas mal de sondages de plus en plus négatifs et autant de couacs gouvernementaux plus tard, la cause est entendue. Par quelle malédiction - ou plutôt par quelle dégénérescence sommes-nous condamnés sous cette Ve République, dont on célébrera fin septembre le cinquantenaire, à aller depuis Georges Pompidou de président-Charybde en président-Scylla ?
RIVAROL. . du 2 mai 2008

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