vendredi 26 septembre 2008

Sarkozy aligné... jusqu'au «cataclysme»?

C'EST entendu : après avoir massivement publié, parfois à la une, la photo (prise en 1993 et mise aux enchères par Christie's) d'une Carla pas encore Sarkozy aussi nue que la Vénus de Botticelli, la presse britannique s'est enflammée pour notre première dame dont l'élégance, la classe et les bonnes manières auraient séduit aussi bien les Windsor que les badauds, lesquels - mauvais présage pour le couple ! - verraient en elle, au choix, une « nouvelle Jacqueline Kennedy » ou une « nouvelle princesse Diana » . Mais au-delà des atours arborés par l'épouse du chef de l'Etat, c'est le discours de celui-ci à Westminster qu'on retiendra de cette visite d'Etat outre-Manche. Avec la confirmation, devenue engagement au sommet de l'OTAN qui s'achève aujourd'hui à Bucarest, de l'envoi de nouvelles troupes françaises en Afghanistan où, avec 2 200 hommes, notre contingent est déjà l'un des plus nombreux de la Force internationale d'assistance à la sécurité (ISAF).
Ce "renforcement" portera-t-il sur 1 000 soldats (placés sous commandement américain), ou 3 000 comme le prévoient certains experts ? Question subalterne, eût dit de Gaulle (auquel Sarkozy a bien entendu rendu hommage lors de son séjour londonien), l'essentiel étant de « permettre au peuple afghan et à son gouvernement légitime de construire un avenir de paix » car « nous ne pouvons pas accepter un retour des Taliban et d'AI Qaïda à Kaboul. La défaite nous est interdite, même si la victoire est difficile », a martialement déclaré l'Elyséen devant les membres des Communes et de la Chambre des Lords réunis pour l'entendre. Et le président de préciser que la France et le Royaume-Uni, - que devraient lier selon Sarkozy une entente non plus cordiale mais "amicale" et même une «nouvelle fraternité», et pas seulement d'armes - « sont déterminés à rester engagés, côte à côte, avec tous nos alliés, en Afghanistan ». Un guêpier où, avait-il déjà promis en novembre dernier devant le Congrès américain puisque c'est décidément aux parlementaires étrangers, et non à la représentation nationale - à laquelle a été octroyé mardi un débat sans vote, comme on jette un os à un chien - que le président réserve la primeur de nos engagements militaires (1), « la France restera engagée militairement aux côtés des Etats-Unis aussi longtemps qu'il le faudra ».

COMMENT, « aussi longtemps qu'il le faudra », mènera-t-on cette sainte croisade alors que « les caisses sont vides », et au détriment de quels autres postes sera-t-elle financée alors que les Armées crient misère ? La même question se posant d'ailleurs pour la Grande-Bretagne qui, le jour même où elle recevait royalement le couple Sarkozy, apprenait que deux anciens joyaux de son industrie, les firmes automobiles Jaguar et Land Rover, cédées à Ford en 1989, avaient été revendues par l'Américain au groupe indien Tata, une sacrée revanche des ex-colonisés sur l'Empire des Indes, et une insupportable humiliation pour John Bull. Qui dit en effet que Tata ne délocalisera pas à Bombay, privant ainsi d'emplois les 19 000 Anglais travaillant encore sur les sites, tout comme 600 métallos du site lorrain de Gandrange racheté avec Arcelor par l'Indien Lakshmi Mittal vont se retrouver sur le sable malgré la promesse solennelle que leur avait faite en février le chef de l'Etat de mettre tout en œuvre pour leur éviter cette issue fatale ? Le moment était en tout cas mal choisi pour Sarkozy d'exalter la réussite économique du Royaume-Uni qui, a-t-il jugé bon de dire à Westminster, « est devenu un modèle, une référence dont nous devons nous inspirer ».

OUTRE le coût de l'aventure afghane se pose la question de sa pertinence que le candidat à la succession de Chirac avait d'ailleurs formellement contestée entre les deux tours de l'élection présidentielle, laissant ainsi prévoir un retrait de nos troupes... qu'il entend aujourd'hui «renforcer». En arguant de l'indispensable « guerre contre le terrorisme ». Mais, depuis la défaite du régime taliban et son remplacement par un gouvernement et un président «démocratiques», l'Afghanistan est redevenu le premier producteur mondial d'opium avec 165 000 hectares cultivés, contre 100 000 en 2005, et 6 100 tonnes d'opium brut exportées l'an dernier. Des attentats ou des overdoses d'héroïne (135 000 usagers réguliers en France), lesquel(le)s causent le plus de victimes ou de lésions irréversibles et déstabilisent le plus les sociétés occidentales ?
Si, de l'aveu même du site < www.armees.com >, sont dérisoires les efforts de l'ISAF pour simplement enrayer une culture aussi dévastatrice, on voit mal comment cette Force, qui agit d'ailleurs sans mandat de l'ONU, pourrait refaire un Eden de l'ancienne Transoxiane - qui, du reste, n'a jamais connu que rébellions et guerres civiles - et de la débarrasser des factieux et des fanatiques.
Et puis, est-il vraiment judicieux de se mettre à la remorque de l'Hyperpuissance alors que celle-ci, mise en échec en Irak comme en Afghanistan, risque d'entraîner la planète dans une crise financière et donc économique sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale ?
Le 20 mars dernier, constatant qu'aux Etats-Unis, malades d'une monnaie et d'un système bancaire pourris mais aussi de la guerre d'Irak qui, selon un rapport de la Commission économique du Congrès, a déjà coûté 526 milliards de dollars, l'économie « stagne et se contracte peut-être déjà », l'Organisation pour la coopération et le développement économiques révisait nettement à la baisse ses prévisions de croissance américaines qu'elle n'évalue plus qu'entre 0,1 % et 0,0 %. Et si l'OCDE estimait que, dans la zone euro, le ralentissement a été « moins brutal » qu'aux Etats-Unis, elle n'excluait pas une nette récession aggravée par une montée de l'inflation, cependant qu'encore plus catastrophistes, les experts indépendants _ du LEAP/2000 (qui avaient prévu en janvier 2007 la crise "systémique" des subprimes) annoncent, en provenance des USA, un « cataclysme boursier fatal » évidemment appelé à « frapper l'Europe de plein fouet » dès novembre prochain.
Le 26 mars, notre grande argentière Christine Lagarde a d'ailleurs rengainé tout optimisme pour admettre que le taux de croissance français serait très inférieur à 2 % cette année en raison des « envolées récentes du prix du baril et de l'euro » mais surtout de l'« aggravation des turbulences sur les marchés financiers ». Ce qui alourdira évidemment le déficit public, déjà supérieur en 2007 aux 2,4 % initialement prévus ... Et rendra illusoire l'objectif affiché d'assainir les finances publiques avant la fin du quinquennat de Nicolas Sarkozy.
N'importe, fasciné par l'Amérique comme tant de ses semblables, le chef de l'Etat persiste et signe dans son alignement sur un pays infiniment plus dangereux que la nébuleuse Al Qaïda pour la stabilité du monde. Jusqu'où nous entraînera sa fascination, celle que ressent le serin devant le serpent ?
<>. Rivarol du 4 avril 2008
(1) Le 27 mars, Jean-Marie Le Pen s'est d'ailleurs indigné de l'attitude de Nicolas Sarkozy annonçant « au Parlement britannique que la France va encore renforcer sa présence militaire en Afghanistan ». « Cette désinvolture dans l'empressement à jouer les supplétifs des Anglo-américains est une offense à la Nation », estime le président du Front national qui ajoute que « nos soldats n'ont pas à risquer leur vie pour les manèges géopolitiques de l'Oncle Sam ».

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