mardi 18 novembre 2008

L'UMP en crise, Sarkozy enlisé

Une « démonstration d'unité face aux divisions du PS », telle se voulait l'Université d'été - pardon : le « campus » : chassez l'américanomanie, elle revient au galop - UMP, alors même que le ministre Xavier Bertrand brûle, en toute fraternité maçonnique bien sûr, de ravir le poste de secrétaire général à Patrick Devedjian et qu'une lutte au couteau oppose trois membres du gouvernement (Valérie Pécresse, Roger Karoutchi et Yves Jégo) pour l'obtention de la tête de liste UMP aux prochaines élections régionales dans l'Île-de-France, trois autres Excellences (Roselyne Bachelot, Christine Lagarde et Rachida Dati) se tenant de plus en embuscade pour tenter de conduire cette liste et ravir aux socialistes la région que le RPR leur avait offerte en 1998 puis en 2004 sur un plateau d'argent, par refus de s'allier au Front national. Les rivalités exacerbées entre caciques du mouvement n'épargnent d'ailleurs pas les « Jeunes populaires » dont plusieurs dirigeants avaient dénoncé au cours de l'été les «magouilles» et les «pressions» destinées à imposer à leur tête Benjamin Lancar, un familier de Jean Sarkozy. Lequel lorgne avec concupiscence sur la présidence du conseil général des Hauts-de-Seine, le département le plus riche de France actuellement dirigé par Devedjian, décidément assiégé depuis que le président lui reproche de « ne pas savoir tenir ses troupes ». Mais est-ce la faute du seul député d'Antony si « les troupes », et leurs élus, se montrent déboussolés et parfois écœurés par les innovations et les reniements que, depuis l'« ouverture à gauche », ils ont été obligés d'avaler comme autant de couleuvres ? Ce qui s'est traduit par la fuite de près de la moitié des adhérents : selon Emmanuel Ratier, il ne resterait que 200 000 cotisants sur les 370 000 que comptait l'UMP en 2007, après la présidentielle.
Malgré l'optimisme affiché, l'ambiance n'a donc pas été follement gaie les 5, 6 et 7 septembre à Royan, résultat d'un été riche en déceptions (croissance négative, explosion du déficit, accroissement des prélèvements et reprise du chômage frappant les jeunes, les femmes et les seniors... que l'on veut faire travailler plus longtemps !) et en faux pas de la part de l'Elysée. Que de bévues accumulées, en effet, de la préférence arbitraire accordée à l'affairiste Tapie à l'envoi de nouveaux renforts en Afghanistan (où 200 hommes du 38 RPIMA, que Sarkozy avait à Carcassonne traités d'« amateurs », viennent de partir) et de l'adoption du projet (socialiste) sur le Revenu de Solidarité active à la réforme des immatriculations ! Avec en apothéose, que n'auront pas réussi à faire oublier la grossesse surprise du garde des Sceaux et la « prestation » attendue de notre Première Dame en promo chez Drucker, l'ahurissante affaire de Porto-Vecchio : le préfet Dominique Rossi, patron des forces de sécurité en Corse, ayant été sèchement limogé pour ne pas avoir envoyé un escadron de CRS chasser dans l'instant une cinquantaine de nationalistes du jardin de la résidence de l'acteur Christian Clavier - membre il est vrai du premier cercle présidentiel - qu'ils ont très brièvement occupé le 30 août.
A l'envi, l'opposition a dénoncé le « fait du prince », ce qui est une sottise car même Louis XIV, au faîte de sa puissance, ne se débarrassait pas si aisément d'un grand commis qui lui avait déplu. Mais surtout, comment ne pas voir que le premier magistrat de France, qu'a tant indigné l'offense faite à son ami Clavier, tolère parfaitement, en revanche, l'occupation d'églises et de lieux publics par des immigrés clandestins et qu'il n'a pas jugé bon d'abolir les lois iniques protégeant les squateurs - eux aussi allogènes - de logements et privant de tout droit les légitimes propriétaires ou locataires - souvent modestes des biens ainsi spoliés ? Au demeurant, les mêmes « natios » avaient, entre autres actes de vandalisme gravissimes, incendié en janvier dernier le bureau du président du conseil exécutif de Corse. L'Elyséen n'avait pas réagi.
Ces destructions étaient-elles donc moins condamnables à ses yeux que l'invasion rigolarde de la villa Clavier, où aucun dégât ne fut commis ?
Si encore les succès remportés sur le plan diplomatique compensaient ces errements... Avec la France de Sarkozy exerçant la présidence tournante de l'Union européenne, celle-ci allait, nous annonçait-on, parler d'une seule voix et s'ériger en Super-Grand. Or, après le sommet extraordinaire convoqué en urgence le 1er septembre à Bruxelles sur la situation dans le Caucase, c'est Moscou qui pouvait crier victoire : désunis, les Vingt-Sept avaient renoncé aux sanctions pourtant dûment annoncées par Kouchner, se contentant d'une « pause » dans les négociations sur leur « partenariat stratégique » avec la Russie. Et la visite de Sarkozy (accompagné de Barroso, président de la Commission européenne, et de Xavier Solana, le « ministre des Affaires étrangères » de l'Union, qui n'ont même pas eu droit à un pupitre dans la salle de presse) au président Dmitri Medvedev lundi dernier pour l'inciter à la « retenue » n'a guère été plus concluante : loin d'évacuer le port géorgien de Poti comme le lui demandait l'UE, le Kremlin avait le matin même de l'entrevue renforcé sa présence militaire... Toutefois, promis juré, les troupes russes évacueront la Géorgie dans un mois. Tel est l'engagement pris par Medvedev au grand soulagement de Sarkozy qui, « jouant sa crédibilité » (cf. L'Express), a estimé la rencontre « très fructueuse » bien que lui-même et Barroso aient tacitement entériné l'indépendance de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie, ce qui importait au premier chef au Kremlin.
De même la visite de l'Elyséen à Damas les 3 et 4 septembre avait-elle été un échec. Certes, le président a raison de tenter d'accroître le poids de la France et de l'Europe au Proche-Orient mais en voulant absolument convaincre son homologue syrien de l'intrinsèque perversité de l'Iran et de la nécessité de rompre tout lien avec lui, ii s'est posé, consciemment ou non, en missus dominicus d'Israël et des Etats-Unis, et sa position, déjà fragilisée par son alignement sur Washington en Afghanistan, s'en est trouvée singulièrement affaiblie. Alors qu'était renforcée celle de la Turquie, conviée le 4 septembre à Damas, ainsi que le Qatar (dont l'influence ne cesse décidément de croître) à un sommet quadripartite, à l'issue duquel le Français a couvert de compliments le Premier ministre Recip Tayyip Erdogan, bien digne décidément d'intégrer l'Union européenne avec ses 70 millions de compatriotes - et le cortège de problèmes, ethniques notamment, légués par l'Empire ottoman.
Selon le « principe de Peter », Jacques Chirac avait atteint son seuil d'incompétence en quittant la mairie de Paris pour l'Elysée. Tout indique que son successeur, formidable candidat mais lamentable chef d'Etat, a pris le même chemin si bien que le nombre de Français lui refusant leur confiance ne cesse d'augmenter (55 % selon le baromètre CSA/LeParisien du 5 septembre, soit 4 nouveaux points perdus en un mois). Est-ce pour éviter reproches, voire huées, qu'il a snobé le « campus » de l'UMP, se contentant d'y envoyer le rappeur Doc Gynéco comme « consultant »? Sans doute les inestimables Bernard Tapie et Christian Clavier n'étaient-ils pas libres.
✍ RIVAROL .

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