lundi 25 juin 2007

Malgré les pouvoirs, l'information fini toujours par percer

Nicolas Sarkozy affirme avoir changé. Doit-on le croire sur parole?

Parmi les raisons qui dressent un certain nombre de Français contre l'ancien ministre de l'Intérieur figure en bonne place une réputation d'autoritarisme un peu trop souvent mis au service de ses intérêts personnels. Il n'en avait d'ailleurs pas fait mystère en revenant place Beauvau, fin mai 2005, en plein déballage public des querelles intimes de son couple : des comptes seraient réglés, des têtes tomberaient, c'en serait fini des coups bas et des coups tordus, pilotés, pressentait-on, par l'Elysée et Matignon. Le ministère de l'Intérieur apparaissait comme un enjeu stratégique pour le contrôle de l'information.

Or, Nicolas Sarkozy a depuis longtemps construit sa stratégie politique sur la communication. Il suffit, pour s'en convaincre, de le voir se comporter avec les journalistes. Tantôt caressant, tantôt cassant, il excelle à faire rire aux dépens d'un naïf, à se montrer familier avec ceux qu'il veut flatter, à remettre à sa place celui dont il sait n'avoir rien à craindre. Mais rien ne va plus lorsque l'information lui échappe. Alors, l'enjôleur montre les dents et le séducteur, sa poigne. On le constate une nouvelle fois avec l'autocensure à laquelle s'est soumis le journal du dimanche, en étouffant une information concernant Cécilia Sarkozy. On avait déjà pu le vérifier à plusieurs reprises.

D'abord, avec la publication à la une de Paris Match, en août 2005, d'un cliché sur lequel Cécilia Sarkozy figurait aux côtés de Richard Attias. Alain Genestar, le patron de l'hebdomadaire phare du groupe Lagardère, croyait avoir fait un " coup" et l'on se félicitait déjà, dans les couloirs du journal, d'avoir eu " la peau" du ministre. La riposte ne tarda pas et ce fut le ministre qui eut celle de Genestar.

Autre exemple, celui de la biographie consacrée à Cécilia Sarkozy par la journaliste "people" Valérie Domain. Vincent Barbare, p-dg des éditions First, qui devaient publier l'ouvrage, fut convoqué place Beauvau. A en croire Le Canard enchaîné, le ministre de l'Intérieur en personne l'aurait menacé de "foudres judiciaires et variées" en cas de parution du livre. Une chose est sûre : le livre ne parut point.

L'on dira qu'en exerçant ces pressions, Nicolas Sarkozy préservait sa vie privée. Chaque intervention de sa part avait pour but, en effet, d'empêcher la divulgation d'une information concernant ses relations avec sa femme. Encore eût-il fallu, pour que l'argument fût recevable, que le couple n'ait pas lui-même choisi, dès l'origine, de s'exhiber devant les caméras pour populariser son image.

L'affaire qui défraie aujourd'hui la chronique du petit monde médiatique montre à quel point le sujet reste sensible. L'article que le journal du dimanche, propriété d'Arnaud Lagardère (parrain de Louis Sarközy) a renoncé à publier, révélait que Cécilia Sarkozy n'avait pas voté lors du deuxième tour de l'élection présidentielle. Le directeur de la rédaction de l'hebdomadaire, Jacques Espérandieu, a admis avoir reçu " un certain nombre de coups de téléphone de gens insistant sur le côté très privé et très personnel de l'information ". Quels" gens" ? On n'en saura pas plus, mais point n'est besoin d'être grand clerc pour le deviner.

Ce nouveau cas de censure, qui coïncide avec la perquisition menée par un juge d'instruction dans les bureaux du Canard enchaîné pour enquêter sur de mystérieux comptes bancaires, que, selon ce journal, Jacques Chirac détiendrait au Japon, inquiète suffisamment l'association Reporters sans Frontières pour qu'elle appelle les journalistes à la " vigilance" contre " toute forme de pression" et qu'elle estime nécessaire d'organiser un débat sur les rapports entre les pouvoirs politiques, les propriétaires de médias et les journalistes.

Je ne crois pas qu'il en sortirait grand-chose. Nous nous sommes montrés suffisamment sévères, dans nos colonnes, à l'égard de Jacques Chirac, pour lui reconnaître ici le mérite de n'avoir pas cherché à limiter la liberté d'expression des journalistes sur les affaires qui le touchaient personnellement. Il n'en allait pas de même, avant lui, de François Mitterrand : nos confrères de Minute et de L'Idiot international en surent quelque chose lorsqu'ils révélèrent l'existence de Mazarine.

Pour que la presse soit libre vis-à-vis des pouvoirs politiques, il faut qu'elle soit indépendante des puissances d'argent. C'est le cas du Choc du mois ; combien de titres sont-ils dans ce cas-là ? Cela demande des sacrifices ; nous les consentons et la liberté qu'ils nous garantissent fait notre fierté.

En outre, pour conclure sur une note rassurante, qu'il se soit agi de Mazarine hier ou de Cécilia aujourd'hui, l'information, en définitive, n'a-t-elle pas fini par percer ? Les politiques devraient s'en convaincre : les secrets d'Etat les mieux gardés finissent tôt ou tard par être divulgués.



Jean-Marie Molitor Le Choc du mois


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