jeudi 2 octobre 2008

Blair a-t-il coulé Sarkozy ?

LE premier ministre britannique Gordon Brown parle de "déception", la presse de "déroute", voire de "massacre" : aux élections locales du 1er mai, en Angleterre et au Pays de Galles, les travaillistes au pouvoir depuis 1997 n'ont obtenu que 24 % des suffrages, devancés de très loin par les conservateurs (44 %) et même, humiliation suprême, par les libéraux-démocrates (25 %). S'il s'était agi des législatives, prévues pour 2010, les Tories auraient été hégémoniques à la Chambre des Communes.
Commentant ce résultat, nos média l'attribuent à quelques mesures fiscales récentes et, surtout, au « manque de charisme » de Brown. Mais celui-ci ne paie-t-il pas les années d'erreurs et de mauvais choix du flamboyant Tony Blair, qu'il n'a remplacé qu'en juin dernier ? Or, jusqu'à son départ du 10 Downing Street, toute notre classe politique avait les yeux de Chimène pour Tony Blair dont Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy se disputèrent les faveurs et le parrainage pendant toute la campagne présidentielle. A peine arrivé à l'Elysée, le second avait d'ailleurs rompu avec la tradition selon laquelle la première visite du chef de l'Etat français est réservée au chancelier allemand pour rencontrer le 16 mai 2007 le Premier ministre britannique, affirmant devant les caméras : « J'ai une très grande amitié depuis longtemps pour Tony Blair, qui n'est pas simplement une question de proximité politique. Tony Blair est un homme que j'apprécie humainement parlant. Je peux dire que c'est un ami. » Au point d'en faire en janvier 2008 l'invité d'honneur du congrès de l'UMP où à la tribune, l"'ami" se fit le chantre de la mondialisation, proclamant que s'opposer à cette évolution irréversible était « aussi vain que de demander aux provinciaux d'aimer les Parisiens ». Et le Britannique de féliciter le Français de s'être montré « très énergétique » dans sa manière de mener les "changements" et "ruptures" que, bon gré mal gré, doit subir notre pays pour entrer dans l'ère glorieuse du « village global ». Ravi du compliment, Sarkozy assurait en retour Tony Blair que la France et l'Europe avaient « besoin de lui ». Pourquoi pas comme futur et premier président de l'Union européenne, poste prestigieux prévu par le traité de Lisbonne ?
Traité dont les bases avaient justement été discutées lors de la rencontre du 16 mai, à l'issue de laquelle Sarkozy avait célébré en Blair l'homme politique modèle, celui qui « a montré que l'on pouvait obtenir le plein emploi et qui a profondément modernisé son pays, qui a su rassembler des majorités au-delà de sa propre famille politique pour obtenir des résultats importants ».
Moins d'un an plus tard, au vu des résultats non pas "importants" mais calamiteux du New Labour, l'Elyséen qui a lui-même été humilié lors des élections locales et qui le reste semaine après semaine dans les sondages est-il toujours persuadé d'avoir choisi le bon modèle ? Car si le Royaume-Uni a longtemps fait figure de premier de la classe en matière économique (au prix d'ailleurs du sacrifice de son industrie, la Grande-Bretagne n'étant plus qu'une société de services), son inféodation politique et financière aux Etats-Unis a fini par lui être fatale : le chômage et les prix repartent à la hausse et le pouvoir d'achat à la baisse, les transports et le système de santé victimes du libéralisme sauvage ( « la liberté du renard dans le poulailler ») font toujours plus de mécontents parmi une population paupérisée qui, en outre, ne pardonne toujours pas au « caniche de Bush » de l'avoir précipitée dans le guêpier irakien en en rajoutant sur les mensonges éhontés répandus par la Maison Blanche pour légitimer l'invasion de 2003. Plutôt que d'en découdre avec les chiites à Bassorah, les boys n'auraient-ils pas été plus utiles dans le "Londonistan" livré aux islamistes les plus radicaux, ce que les travaillistes ont payé très cher le 1er mai ? Et à quoi sert de se battre contre les Taliban en Afghanistan quand, dans le nord de l'Angleterre, des municipalités dirigées par des Pakistanais intégristes favorisent un fondamentalisme dont l'avocate Cherie Blair a défendu les "droits" devant les tribunaux ?
Certains s'étonnaient que le fringant Tony cède finalement la place à Brown après avoir si longtemps résisté. Peut-être sentait-il monter l'orage et se doutait-il que les prochaines élections seraient désastreuses pour son parti. Mieux valait donc prendre du champ, multiplier les conférences payées 250 000 dollars cash et accepter en juillet 2007 la présidence du "Quartette" chargé d'« arriver à la paix et à la stabilité au Proche-Orient en aidant les Palestiniens à bâtir un Etat ou aller au-delà en facilitant un large dialogue entre les parties ». Beau programme dont, soit dit en passant, nul ne parle plus. Ce qui laisse songeur sur les capacités de Blair à présider l'Europe comme le voulait absolument Sarkozy.
Celui-ci a fêté mardi sa première année à la tête de la France. Année perdue en coups de cœur, coups de pub et coups de gueule, les seules réformes adoptées, les seules initiatives prises ayant été des mauvais coups contre la France, qu'il s'agisse de l'ouverture à gauche, de la ratification du traité de Lisbonne, de la loi Hortefeux ou de l'alignement atlantiste. Les prochains scrutins seront-ils aussi catastrophiques pour l'UMP qu'ils l'ont été le 1er mai pour le New Labour ? En guise de gâteau d'anniversaire, le chef de l'Etat a eu en tout cas son content de soupe à la grimace, entre la fronde et la grogne de ses députés de plus en plus hostiles à ses réformes institutionnelles, et le sondage CSA pour Marianne selon lequel 29 % seulement des Français souhaitent le voir briguer un second mandat. 55 % brûlant au contraire de le voir débarrasser le plancher.
RIVAROL, du 9 mai 2008
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