dimanche 9 septembre 2007

Où Sarko n'aime ni les dimanches, ni les Bretons

• Où Sarko n'aime pas les dimanches en famille

Certains de nos lecteurs, paraît-il, font encore confiance à Nicolas Sarkozy. J'envie leur optimisme. Ce perpétuel agité a tout dit, me semble-t-il, en déclarant que l'essentiel pour lui est d'agir et d'avancer. Dans quel but ? il n'est pas sûr qu' il se pose la question. Seule compte l' apparence, ce qui est le propre du démagogue ; pour le reste, Sarko n'a pas plus de convictions que Chirac avant lui.Il vient de le montrer à propos de la Turquie, qui, jurait-il lors du débat qui l' opposa avant son élection à Ségolène Royal, ne fait pas partie de l' Europe et n'a donc pas vocation à entrer dans l'Union. Il semble pourtant admettre aujourd'hui qu'elle puisse y être admise. Pourquoi ce revirement, qui réjouit les eurocrates bruxellois? Faut-il le dater de la récente rencontre de notre président avec son homologue américain, chaud partisan de l' incorporation de la Turquie à l' Union européenne ? Le réchauffement climatique aurait-il si bien précipité la dérive des continents qu'en moins de quatre mois, la Turquie, sautant le Bosphore, serait passée de l' Asie à l' Europe ? Ou alors est-ce l' arrivée au pouvoir, à Ankara, d'un ancien islamiste, qui rapproche l' ancien royaume abbasside d'une France où l' islam est de plus en plus présent? Je laisse mes lecteurs cocher la bonne réponse. Solution du jeu lorsque Ankara sera officiellement répertoriée parmi les capitales européennes ...
En attendant, le laïc Sarko achève d'enterrer les racines chrétiennes de l' Europe avec les ultimes traditions qui leur sont attachées, comme la fermeture des magasins le dimanche. «Au nom de quoi, demande-t-il devant des chefs d'entreprise intéressés, interdire l'ouverture à tout le monde ? » Au nom, d'abord, d'un héritage chrétien qui fait du dimanche le jour du Seigneur. Ce n'est cependant pas ce qui pousse les syndicats à refuser, eux aussi, l' ouverture dominicale. On oublie que son interdiction, défendue en son temps par la droite sociale, représenta un immense progrès pour les salariés, qui purent se retrouver en famille le dimanche. Alors que tant de familles sont aujourd'hui éclatées et que la plupart du temps, même lorsqu'elles ne le sont pas, le père et la mère travaillent tous deux, je doute que le moment soit bien choisi pour supprimer cette règle du repos dominical.

• Où Sarko se fout des Bretons, et réciproquement

J'ai tôt douté de la sincérité des sentiments patriotiques de l' actuel hôte de l 'Elysée et, sur ce point, le discours qu'il a tenu le soir de son élection, jurant la larme à l' œil et la main sur le cœur que la France lui avait tout donné et s'engageant à le lui rendre, ne m'a pas convaincu. il n'est pas anodin que le président de la République française s'exprime davantage comme un Français d'adoption, que comme un héritier légitime d'un patrimoine commun.
Mon attachement viscéral à ce patrimoine se renforce d'un attachement parallèle à l'une des petites patries » qui composent la grande et dont seuls les jacobins, de droite comme de gauche, sont assez sots pour croire qu'elles en menacent l' intégrité. A cet égard, Sarko ne me choque pas lorsqu'il envisage de « décentraliser » le conseil des ministres en Corse - patrie de sa première épouse (et de la mienne). Je le soupçonne bien de vouloir prolonger ses vacances, mais après tout, pourquoi ne pas joindre l' utile à l'agréable?
Ma petite patrie à moi, c'est la Bretagne ... Peut-être pensez-vous déjà, ami lecteur : « On te voit venir, Couteil, tu vas nous servir la bourde sarkozyenne sur le Cross Corsen de Plouarzel » ... Si tel est le cas, vous pensez juste.
Dans L'aube le soir ou la nuit (Flammarion), le livre qu'elle a consacré à la campagne électorale de Sarkozy, Yasmina Reza rapporte ces propos qu'il aurait prononcés en se rendant dans le Finistère pour visiter ce fameux Cross Corsen :« Qu'est-ce qu'on va foutre dans un centre opérationnel sinistre à regarder des radars? Je me fous des Bretons. Je vais être au milieu de dix connards en train de regarder une carte ! »
Ces propos-là sont publiés au moment le plus mal choisi, juste après que le président de la République a assisté aux obsèques du patron du Sokalique, le bateau naufragé au nord d'Ouessant par un cargo ... turc. Le Cross Corsen de Plouarzel surveille précisément la mer autour des îles d'Ouessant et de Molène - l'on connaît les dictons fameux : « Qui voit Molène voit sa peine, qui voit Ouessant voit son sang ». Derrière les dix connards du Cross Corsen et leur carte, veillent, au long de ces parages redoutables, ce que les peuples de la mer ont fourni de plus noble : les gars de la Société nationale de sauvetage en mer. Ces bénévoles, anciens marins pour la plupart et connaissant leur côte sur le bout des écueils, sont susceptibles d'être alertés à tout moment, fût-ce pendant les nuits de Noël ou du jour de l'An, et par n'importe quel temps, pour partir, à bord de vedettes fournies par l'Etat, secourir des vies au péril de la leur. Pas très loin de Plouarzel, à l'Aber-Wrach, une nuit, les hommes d'une équipe de la SNSM ont ainsi quitté la chaleur des lits où dormaient leurs femmes ; ils ne sont jamais revenus.
Avec ces gens simples et héroïques, les petits bonshommes de notre politichiennerie supportent bien mal la comparaison, même lorsque leurs capacités manœuvrières et leur ambition les amènent jusqu'à l'Elysée. Sarkozy nie avoir prononcé ces mots qui font scandale. Reza aurait-elle tout inventé? Le président eût, en tout cas, été bien inspiré de lire son livre avant parution. En mettant les choses au mieux et au bénéfice du doute, on le taxera d'inconséquence.
François Couteille, Minute


Aucun commentaire: