samedi 29 septembre 2007

TURQUIE : SARKOZY A MENTI

Les reniements de Nicolas Sarkozy sont déjà nombreux. Mais il s'agit souvent de demi-reniements, de reculs par rapport à ce qu'il avait promis. Plus exactement, on cherche à préserver la forme, en évacuant le fond (par exemple on édicte une peine plancher, mais en laissant aux juges le soin de ne pas l'appliquer). En ce qui concerne la Turquie, le reniement est évident, massif, cynique. De ce fait il peut jouer le rôle de révélateur concernant les autres reniements.
C'est en substance ce qu'a expliqué Marine Le Pen, lors d'une conférence de presse, en présentant la campagne que lance le Front national sur ce sujet. Avec une affiche au slogan aussi simple qu'explicite :« Turquie: Sarkozy a menti. »Et une pétition nationale, qui s'accompagne d'un texte rappelant les engagements solennels du candidat Sarkozy, et les événements qui viennent les contredire.

Poursuite des négociations et suppression du référendum

Le reniement est en deux parties. La première est la poursuite des négociations d'adhésion. En juin, la France a voté comme les autres Etats membres de l'Union européenne l'ouverture de nouveaux chapitres de négociation, alors que le candidat Sarkozy avait affirmé à plusieurs reprises que s'il était élu il suspendrait toute négociation.
Le 27 août, devant la conférence des ambassadeurs, il a déclaré qu'il souhaitait l'institution d'un « comité des sages », qui réfléchisse à l'avenir et aux frontières de l'Union, et que si cette réflexion est menée,« la France ne s'opposera pas »à ce que les négociations se poursuivent entre l'Union européenne et la Turquie, à condition que les chapitres ouverts« soient compatibles avec les deux visions possibles de l'avenir de leurs relations: soit l'adhésion, soit une association aussi étroite que possible sans aller jusqu'à l'adhésion. » Il admet donc qu'on puisse aller jusqu'à l'adhésion.
Le 20 septembre, à la télévision, il paraît retrouver ses accents de campagne :« Je ne crois pas que la Turquie ait sa place en Europe », etc. Il faut être très au courant de l'affaire pour porter attention à ce qu'il ajoute : il rappelle qu'il a proposé la mise en place d'un« comité des sages »qui serait chargé de réfléchir, etc. Il ne précise pas que la mise en place de ce comité des sages est justement la prétendue condition pour que se poursuivent les négociations, dont un avenir possible est l'adhésion. Dont le seul avenir, de fait, est l'adhésion, comme on l' a toujours souligné tant à Bruxelles qu'à Ankara.
La deuxième partie du reniement est le processus de révision constitutionnelle, qui a priori n'a aucun rapport avec ce sujet, mais va permettre de supprimer l'article par lequel Jacques Chirac avait rendu obligatoire un référendum pour tout nouvel élargissement.
Marine Le Pen rappelle opportunément la déclaration que Nicolas Sarkozy avait faite à l'époque :« Nous devons être reconnaissants à Jacques Chirac d'avoir proposé dans la réforme constitutionnelle que le référendum soit la règle pour décider si oui ou non la Turquie sera intégrée ou associée. Le président de la République a fait un choix républicain et démocratique. »
Quand on se souvient de ce qu' étaient les rapports entre Sarkozy et Chirac, le compliment était de taille ...
Or voici que Jean-Pierre Jouyet, auditionné par le comité Balladur de réflexion sur les institutions, a suggéré « à titre personnel »la suppression de l'article sur le référendum. Jean-Pierre Jouyet est secrétaire d'Etat aux Affaires européennes. Même quand il prétend s'exprimer à titre personnel, devant une commission créée par le président de la République, il ne prend évidemment pas le contre-pied de ce que pense le Président.
Interrogé sur ce point, Nicolas Sarkozy est resté évasif. Mais Bernard Kouchner a authentifié le message : « Je ne crains pas de révéler ce secret. Je pense que le Président souhaite aussi ça. »
Et lundi, c'est Edouard Balladur lui-même, le président du comité, qui s'est prononcé pour la suppression de l'obligation d'un référendum.
Ce processus de reniement sur la Turquie s'inscrit dans un processus plus vaste, qui est un reniement de ce qui restait de l'indépendance de la politique étrangère de la France.
On sait que les Etats-Unis sont fanatiquement partisans de l'entrée dans l'Union européenne de la Turquie, bastion de l'OTAN au Proche Orient. On a noté la dérive atlantiste de Nicolas Sarkozy, par petites touches. Mais, à l'occasion de son voyage à New York, pour les réunions de l'ONU, ce n'est pas une petite touche qu'il a ajoutée, il a lancé le pavé que l' on craignait et que l'on voyait venir : il veut que la France retourne dans les structures militaires intégrées de l'OTAN, et il y «travaille».
Il le dit pour la première fois clairement, même s'il fait semblant de mettre en avant "deux conditions" présentées comme des obstacles, alors qu'elles sont remplies d'office.
Le retour de la France, dit-il dans une interview au New York Times est une éventualité qui, pour être positivement envisagée, passe par deux préalables qui doivent être levés » .
En premier lieu,« je conditionnerai un mouvement dans les structures intégrées par une avancée de l'Europe de la défense ». Cette« avancée », que Nicolas Sarkozy ne cesse d'appeler de ses vœux, est en fait un objectif de plus en plus appuyé des traités européens, jusqu'au« traité simplifié» qui, dans son quatrième protocole, stipule que les Etats membres s'engagent dans cette voie sous la houlette de l'Agence européenne de défense - et ce même protocole affirme en outre que l'OTAN est le fondement de la défense des Etats membres ...

L'alignement sur les Etats-Unis

La deuxième condition est que ce mouvement« ne pourrait avoir lieu que dans la mesure où une place serait faite dans les instances de direction, au plus haut niveau, pour des représentants de la France ».
Mais il est évident que si la France rejoint les structures militaires intégrées de l'OTAN, les Américains ne seront que trop contents de remercier Sarkozy en faisant nommer dans les instances de direction un général français ... à leur botte.
« C'est sur ces deux axes que nous travaillons », ajoute Sarkozy. Autrement dit : c'est déjà en train de se faire.
On le voyait venir, maintenant c'est certain : Sarkozy a programmé l'alignement de la France sur les Etats-Unis. Dans un communiqué, Jean-Marie Le Pen souligne :« Après les renforts envoyés en Afghanistan, les propos sur l'Iran, et le spectaculaire reniement sur l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne, Nicolas Sarkozy s'affirme ouvertement comme le vassal de George Bush. Et pour enfoncer le clou, il fait cette déclaration aux Etats-Unis. Telle est la seule rupture qu'opère Nicolas Sarkozy : une rupture avec la tradition de la Ve République, avec un principe clef de notre politique étrangère, avec l'indépendance de la France
YD.National Hebdo daoudal@fr.oleane.com

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