dimanche 2 septembre 2007

AUTOPSIE D'UNE PROMESSE

Vendredi dernier, les médias nous ont tous annoncé en chœur les nouvelles dispositions décidées par le gouvernement concernant la déduction des intérêts d'emprunts immobiliers. On nous a annoncé tout cela en détail, comme si c'était fait. Or rien n'est fait. Il ne s'agissait en fait que du nouvel épisode d'une comédie politicienne bien connue : celle des promesses électorales. Souvent, les promesses sont oubliées dès qu'elles ont été formulées. Celle-ci donne lieu à un véritable feuilleton. Il est utile d'en retracer les principaux chapitres, pour montrer comment on roule. les électeurs dans la farine.
Le premier épisode, c'est le programme présidentiel de Nicolas Sarkozy. On y lit ceci : « Je veux permettre à chaque ménage d'être propriétaire, parce que la propriété est le rêve de chacun d'entre nous. Je vous permettrai notamment de déduire de votre impôt sur le revenu les intérêts de votre emprunt immobilier. » Promesse qu'il rappelait dans ses discours.
Le 6 mai, Nicolas Sarkozy était élu à la présidence de la République. On attendait alors d'en savoir plus sur cette promesse, dont les modalités n'étaient pas définies. Il paraissait seulement clair qu'elle s'appliquait à tous les emprunts en cours ou à venir.

Remontage de bretelles

Le 24 mai, le ministre du Budget, Eric Woerth, expliquait au contraire que cette exonération fiscale s'appliquerait seulement aux acquisitions réalisées à partir du 7 mai. Deux jours plus tard, Christine Boutin, ministre du Logement, affirmait de même que s'il y avait encore des arbitrages à faire sur cette mesure, «ce qui est certain, c'est qu'elle sera applicable à partir de l'élection du président de la République».
Mais le 29 mai, lors de son meeting du Havre, Nicolas Sarkozy tonnait qu'il remplirait la promesse qu'il avait faite:
« La pensée unique s'oppose à la déduction du revenu imposable des intérêts des emprunts contractés pour l'achat de sa résidence principale. Cette déduction, je l'ai promise et je la ferai. Parce que je veux une France de propriétaires. Les intérêts seront déductibles à partir du jour où la loi sera votée et cette déduction, comme je m ' y suis engagé, s'appliquera à tous les emprunts en cours, comme il est naturel, normal et juste. »
Ce qui s'appelle du remontage de bretelles ...
Le gouvernement (dont Eric Woerth et Christine Boutin) inclut donc dans le « paquet fiscal» la mesure telle que la voulait le président de la République : un crédit d'impôt pour les intérêts payés au titre des cinq premières années de remboursement des prêts immobiliers contractés pour l'achat d'une résidence principale. Quelle que soit la date de l'emprunt. Le «paquet fiscal» fut définitivement adopté par le Parlement le 1er août.
Les parlementaires socialistes saisirent alors le Conseil constitutionnel, lui demandant de censurer les articles 1 (heures supplémentaires), 11 (bouclier fiscal) et 16 (exonérations d'ISF pour investissements dans les PME). Le 16 août, le Conseil constitutionnel rendait sa décision : il rejetait les demandes socialistes, mais s'était autosaisi de l' article 5, celui qui correspond à la promesse de Sarkozy, et le censurait.
On aurait pu penser que le Conseil constitutionnel n'admettait pas la rétroactivité de la loi. Curieusement, ce n'est pas ce motif qu'il avance. Si cet avantage, dit-il,« répond pour les prêts futurs à un objectif d'intérêt général qui est de favoriser l'accession à la propriété, il n'en va pas de même pour les prêts déjà accordés, car, par définition, pour ceux-ci, le contribuable est déjà propriétaire de son habitation principale ».« Il s'agit alors d'un soutien au pouvoir d'achat au bénéfice des seuls contribuables propriétaires de leur habitation principale », ce qui constitue une« rupture d'égalité entre contribuables ».
En outre, le Conseil constitutionnel juge que le coût de la mesure, 7,7 milliards d'euros, est « hors de proportion avec l'effet incitatif attendu ».
François Fillon affirmait alors aussitôt que le gouvernement allait proposer les jours suivants « un nouveau dispositif » permettant à ceux qui ont souscrit un emprunt de pouvoir bénéficier néanmoins du crédit d'impôt.
Puis Christine Lagarde, ministre de l'Economie, admettait que, vu la décision du Conseil constitutionnel, c'est seulement à compter de l'entrée en vigueur de la loi que les intérêts seront déductibles. Le gouvernement, précisait-elle, va mettre en place un« mécanisme » devant permettre de déduire les intérêts « au moins à tous ceux qui ont signé des promesses d'achat ou commencé à souscrire des emprunts depuis l'élection du président de la République». Et en ce qui concerne les emprunts souscrits avant le 6 mai,« on est en train de travailler sur un texte qui sera proposé ultérieurement à l'automne » ...
Et voici donc que le 24 août, on nous annonçait en fanfare la nouvelle disposition arrêtée en conseil des ministres. « Nous doublons la mise! », s'exclamait Christine Lagarde, confirmant ce qu'avait annoncé Nicolas Sarkozy à la presse régionale :« Je transforme un ennui en opportunité : les déductions d'intérêts seront plus importantes pour les nouveaux propriétaires. »Le crédit d'impôt sera donc de 40 % la première année (et ensuite de 20 % les quatre années suivantes comme dans le précédent dispositif). La mesure sera applicable à toutes les acquisitions signées à partir du 6 mai. Christine Lagarde reconnaissait qu'elle comporte une part de rétroactivité« entre le 6 mai et le 22 août », mais qu'elle est néanmoins « compatible avec les décisions du Conseil constitutionnel ».


Prochain épisode le budget 2008

Voilà ce qu'on nous annonce comme si c'était fait. Et la date du« 22 août » est là pour le souligner. Mais cette date ne correspond à rien. Pour prendre effet, la mesure doit être votée par le Parlement: elle sera incluse dans la loi de finance 2008, qui sera examinée cet automne. Laquelle loi de finance sera sans aucun doute déférée devant le Conseil constitutionnel...
Or le Conseil constitutionnel n'avait pas censuré la rétroactivité, mais la« rupture d'égalité entre contribuables ». C'est toujours le cas avec le nouveau dispositif, même si cela concerne moins de propriétaires, ce qui n'entre pas en ligne de compte. En outre, le Conseil constitutionnel avait jugé démesuré le coût de la mesure. Quel est le coût de la nouvelle mesure ? Mme Lagarde considère qu'il est« très difficile »de le comparer avec le coût de la mesure initiale ...
Et pour ceux qui avaient souscrit avant le 6 mai ? On n'en parle plus ... Mais Sarkozy a déjà évoqué la question avec la presse régionale : « A ceux qui me reprocheront de n'avoir pas tenu ma promesse, je répondrai : adressez-vous au Conseil constitutionnel. »
En conclusion d'un communiqué où il démontait la palinodie gouvernementale, Jean-Marie Le Pen soulignait: « Devant cette comédie en trois actes (en attendant la suite), on ne peut pas exclure que le Conseil constitutionnel ne soit chargé de fournir un alibi à ceux qui ne veulent pas tenir leurs promesses ... »
YD. daoudal@fr.oleane.com





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