jeudi 30 octobre 2008

LA FRANCE DE DEMAIN : MOSAÏQUE DES COMMUNAUTÉS OU CREUSET NATIONAL ?

Le ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy a estimé que la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l'Etat « peut supporter un toilettage », en ouvrant un colloque sur le centenaire de cette loi à l'Académie des sciences politiques et morales à Paris.
Parallèlement il ajoutait : « Il y a un siècle, la France était celle des campagnes, il y avait les instituteurs et le curé, on allait à la communale et après au catéchisme, aujourd'hui, c'est celle des banlieues, il y a toujours l'instituteur, mais il est souvent seul. »
Enfin, il a conclu : « Il faut aller encore plus loin et cesser l'hypocrisie » pour « séparer l'islam de France des influences étrangères : donnons-leur (aux musulmans) les moyens d'avoir leur indépendance. »
Sous les assauts répétés des islamistes, les principes républicains reculent et la société française se crispe. L'islam divise, inquiète. A l'école, dans les usines, dans les hôpitaux et dans la vie publique, nos lois sont confrontées qu'on le veuille ou non, aux lois coraniques. Se sentant soutenu par le pouvoir, Thami Breze, président de L'Union des organisations islamiques de France, n'avait-il pas déclaré : « Le Coran est notre Constitution » ? Ce monsieur s'est même dit pressé de discuter avec l'Education nationale de la révision de l'image de l'islam contenue dans les manuels scolaires et avec les chaînes de télévision, de la transformation des émissions religieuses pour qu'elles favorisent la transmission de la foi.
Face à cette confrontation de plus en plus problématique, Jacques Chirac allait créer une Commission sur l'application du principe de laïcité dans la République présidée par Bernard Stasi, qui accoucha d'une souris. Deux écoles se sont alors affrontées au sommet de l'Etat sur la question de la laïcité. D'un côté Jean-Pierre Raffarin et quelques autres se prononçant pour une loi interdisant le voile et le maintien de la Loi de 1905. De l'autre Nicolas Sarkozy et ses amis, s'y opposant, le ministre de l'Intérieur disant vouloir « débarrasser la laïcité des relents sectaires du passé » et ne voyant dans le voile qu'un « choix : respectable qui doit être respecté ».
Mais que souhaite donc Nicolas Sarkozy ? Avec la mise en place du Conseil Français du Culte Musulman et son opposition à une loi sur le voile, celui-ci a engagé des relations de confiance avec la principale organisation musulmane, l'UOIF, qui avait appelé à voter socialiste aux législatives de 2002. L'enjeu est donc avant tout politique. Ils sont prêts à sacrifier les intérêts supérieurs de la France pour assouvir leur soif de pouvoir. Le parti socialiste par exemple, pour ne pas heurter l'électorat d'origine maghrébine, a changé son fusil d'épaule et s'engage petit à petit dans le schéma d'une France communautarisée avec dans son sillon les antiracistes professionnels, obsessionnels et subventionnés.
Dans ce combat contre l'installation de l'islam radical, le thème de la laïcité au sens de 1905 s'entend, originairement de gauche, glisse petit à petit dans la sphère des valeurs nationales et patriotiques. La laïcité devient une véritable norme d'autodéfense nationale. il faut relever à ce propos la position de l'Eglise catholique qui par l'intermédiaire du cardinal Lustiger a ouvertement défendu la Loi en s'inquiétant de la dérive concordataire de Nicolas Sarkozy installant l'islam en "religion d'Etat". Les sociétés démocratiques libérales se révèlent être pratiques pour la diffusion des idées fondamentalistes que bien des pays musulmans leur interdisent. Belle illustration de ce paradoxe expliquant la faiblesse de notre système face à des minorités qui contestent leurs règles en s'en servant. Le cheval de Troie est là et les intellectuels islamiques travaillent à sa consolidation à l'image d'un Tariq Ramadan qui estime que la laïcité était une simple étape de la tradition française vers une autre conception de la république, de la laïcité et de la Nation. Nicolas Sarkozy a mis le doigt dans l'engrenage au risque de précipiter les conflits communautaires et ethniques dans une France, qui deviendra par la force des choses, une mosaïque de communautés et non plus un creuset national.
Louis Aliot National Hebdo du 22 au 28 septembre 2005

dimanche 26 octobre 2008

SARKOZY UN HOMME DE CONVICTIONS •••

Le mot « convictions a été mis au pluriel non par faute ou par une fantaisie d'impression, mais il s'agit bien de montrer les fluctuations de pensée de notre nouveau ministre du Budget.
Lorsque les socialistes ont proposé d'instituer le nouvel impôt Qu'est la « Contribution sociale généralisée », ou CSG, on a vu le petit coq « gaulois » Sarkozy se dresser sur ses ergots pour clamer son indignation dans son bulletin municipal de Neuilly, en décembre 1990 (voir NH n° 460).
La justice sociale ne trouve son compte en aucun cas dans la création de cet impôt. Cette contribution alourdira notre fiscalité, alors, qu'au contraire, il faudrait l'alléger. Le gouvernement aggrave encore le poids de notre fiscalité par cette CSG, alors que les Français sont déjà les plus taxés des contribuables des pays industrialisés.
A cette proposition, je me suis opposé et la motion de censure, je l'ai votée.
Toutes ces belles phrases, toutes ces pensées définitives et sensées, les voilà abandonnées. Monsieur Sarkozy de convictions a changé, et c'est lui qui propose non pas de supprimer ce « cancer socialiste généralisé », mais de l'aggraver.
Pourtant, il avait bien noté, dans son article susvisé, la nocivité de l'imposition proposée. Une partie des chômeurs et 55 % des retraités vont la payer. Les indemnités journalières de maladie seront elles-mêmes frappées. J'ai condamné un texte que les Français, principalement les plus modestes, rejettent avec bon sens.
Si les Français, dans leur grande majorité, rejetaient cette CSG fixée à 1,1 %, que diront-ils demain de celle portée à 2,4 % (2,2 fois plus, ou 120 % de majoration) ?
Monsieur Sarkozy va-t-il se censurer?
Pour tenter de faire passer la pilule, amère comme le RPR, on parle de la déductibilité de la CSG de l'impôt sur le revenu.
... et de promesses
Pour les contribuables les plus modestes, non imposés, cette déduction est sans effet et, donc, c'est à plein taux qu'ils seront frappés. 55 % des retraités et les chômeurs pourront ainsi remercier Sarkozy et ses amis du gouvernement Balladur, surtout madame Veil, défenseur attitré de la CSG, de les avoir surimposés. Quant aux contribuables, la déduction ne sera que cautère sur jambe de bois.
Dans le cas d'un taux d'impôt moyen de 20 % (cas le plus fréquent), la déductibilité aura pour effet de réduire cet impôt moyen de 1,3, soit 0,26 %.
Il restera, de ce fait, un accroissement global des impositions de : 1,3 - 0,26 = 1,04%
Nous faire apparaître comme une faveur une augmentation de 100 % du taux net de la CSG, il fallait être Sarkozy pour le proposer.
Lors des élections législatives de 1993, j'avais mis en garde les électeurs en disant de se méfier des promesses des candidats UPF. J'avais, en effet, observé que lorsqu'ils étaient dans l'opposition, ils promettaient de réduire les impositions et que, lorsqu'ils étaient majoritaires, ils les augmentaient.
J'avais donné alors les statistiques des accroissements des impositions locales décidées par les Conseils régionaux UPF dans leur budget pour 1993 (de 25 à 70 %).
Le message n'ayant pas été entendu, les électeurs devront payer, du moins tant qu'ils pourront le faire. J'espère qu'ainsi, pour l'élection présidentielle, ils auront compris.
Pierre DESCAVES National Hebdo Semaine du 20 au 26 mai 1993

Pendant que Sarkozy pérore, la délinquance augmente

Six jours après la conférence de presse où le Premier ministre a détaillé son catalogue de mesures censées promouvoir une « croissance sociale », Nicolas Sarkozy a présenté son propre catalogue, en tant que président de l'UMP, lors de la convention économique de son parti, intitulée Le nouveau modèle français, un travail pour chacun, du pouvoir d'achat pour tous (en résumé : demain on rase gratis). C'est précisément la perspective de cette convention qui avait poussé Dominique de Villepin à formuler tout un train de nouvelles mesures, afin de couper l'herbe sous le pied de son rival.
Sarkozy était donc contraint à la surenchère. Et l'on n'a pas été déçu. Il a expliqué qu'en dix ans (ses deux quinquennats ?) il pouvait « ramener le taux de chômage à moins de 5 % de la population, c'est-à-dire revenir au plein emploi ». Il a déclaré qu'il fallait aller « plus loin » que la simplification de l'impôt sur le revenu annoncée par Villepin, « en mettant notre système fiscal au service de la croissance ». Aucun Français ne doit payer en impôt plus de 50 % des revenus de son travail, l'ISF doit être réformée « dès cet automne », etc.
On a pu remarquer le soutien explicite, voire tonitruant, d'Edouard Balladur à son ancien conseiller et porte-parole, et aussi la présence du Premier ministre danois, Anders Fogh Rasmussen. Car la France doit s'inspirer d'autres pays européens, dit Sarkozy, et son « nouveau modèle français » est explicitement le modèle danois.
Au moment même où Nicolas Sarkozy, avec sa casquette de président de l'UMP, expliquait comment il pouvait annihiler le chômage et faire baisser les impôts, le ministère de l'Intérieur, celui dont le ministre est Nicolas Sarkozy, faisait savoir que la délinquance avait officiellement augmenté de près de 2 % en août par rapport au même mois de l'année dernière, la délinquance de voie publique ayant à elle seule augmenté de près de 2,5 %.
Le ministre qui veut mettre « tous les voyous en prison » devrait logiquement commencer par cela, avant de se livrer à sa démagogie présidentielle.
Dans un communiqué, Jean-Marie Le Pen relève cette coïncidence significative, et ajoute : « Qui peut croire aux promesses de M. Sarkozy ? Les Français attendent que le ministre de l'Intérieur, s' occupe de faire baisser la délinquance, dans les faits et non en paroles, avant de leur expliquer ce qu'il peut faire dans d'autres domaines. »
✍ Y.D. National Hebdo du 15 au 21 septembre 2005

dimanche 19 octobre 2008

Sarkozy a obtenu son "FBI à la française"

SARKOZY ministre de l'Intérieur y pensait depuis quelques années (voir RIV. du 9/2/07). Sarkozy président de la République l'a fait. Au nom de l'efficacité et du contrôle des services (RIV. du 13/6/08). C'est donc le 1er juillet, le jour même où Paris prenait la présidence tournante de l'Union européenne, ce qui a quelque peu éclipsé l'événement, qu'est née officiellement la Direction Centrale du Renseignement Intérieur (DCRI), résultant de la fusion de la DST et des Renseignements généraux (RG). Le 2 juillet, le Conseil des ministres a nommé son patron : Bernard Squarcini, un homme d'expérience (ancien DST et RG), appartenant en outre au sérail sarkoziste.
PASSE-MURAILLE
Bien avant cette date, les agents de la DCRI avaient pris leurs fonctions dans un immeuble rénové (coût : 360 millions d'euros, facture qui a fait tiquer la Cour des Comptes) et hautement sécurisé de Levallois-Perret. Chez l'ami Balkany, comme par hasard. Le Figaro leur a consacré le 30 juin un reportage flatteur commençant ainsi: « 9 heures du matin. Une cohorte d'hommes et de femmes aux allures de passe-muraille (sic) s'engouffre dans un immeuble caparaçonné de verre opaque. Sans desserrer la mâchoire (resic), ils pénètrent dans un hall tout droit sorti d'un décor de science-fiction version années 70. » Brrr ...
Le reste du reportage, plus sérieux et bénéficiant sans doute d'informations contrôlées, nous apprend que la DCRI comprend 4 000 fonctionnaires venant des services disparus qui en totalisaient 6 000. Ils ont été consultés et ont eu le choix. Tout en étant l'objet d'enquêtes sévères. Car ils bénéficieront désormais du « secret défense ». Seules 1 800 personnes seront basées à Levallois-Perret, les autres formeront des cellules dispersées à travers le territoire. Installées dans des commissariats ou des logements indépendants. Dans les commissariats, elles cohabiteront avec leurs anciens, désormais chargés de l'« Information générale » (IG) rattachée à la Sécurité publique.
LA TRADITION AU PANIER
Sous le titre" Avec la fin des RG, un métier disparaît », Le Monde a procédé à une enquête auprès des ex-RG d'Agen en charge du Lot-et- Garonne. Ces "traditionnels" ont exprimé leur refus de rejoindre la DCRI. Ils veulent rester fidèles au milieu local qu'ils connaissent bien grâce à leurs contacts dans les milieux les plus divers. Même si les RG ont pu être mêlés à des affaires douteuses (voir les fameuses notes blanches anonymes), ils étaient, dans le passé, souvent très bien informés du climat politique et leurs prévisions électorales étaient plus fiables que celles des meilleurs instituts de sondages. Ils avaient prévu par exemple la mise en ballottage de De Gaulle lors de la présidentielle de 1965 mais le ministre de l'intérieur de l'époque, Roger Frey, avait hésité à prévenir le général.
Si la politique leur est désormais interdite, il leur reste d'autres terrains d'action sur le plan social, encore que très sensibles, à manier avec précautions. A noter qu'à Agen, une cloison (à bâtir !) séparera les anciens et les nouveaux. Ce qui ne garantit pas la confidentialité. Et n'empêchera pas les frictions. La crainte des agents de l'Information générale, c'est de ne plus servir à grand chose. Ils se sentent dévalorisés. Pour la surveillance des milieux islamiques, la DCRI aura ainsi la priorité. Le Lot-et-Garonne ne compte pas moins de 13 mosquées, 15 salafistes, 70 prédicateurs tabligh et même des extrémistes turcs.
DANS LE MOULE DE L'OTAN
Toutes les informations sur ces sujets relèveront du « secret défense », le terrorisme islamiste étant devenu « urgence absolue ». Ne l'était-il donc pas avant? Des moyens de plus en plus "sophistiqués" seront utilisés pour les enquêtes. En ce qui concerne les suspects, rien n'échappera à la DCRI qui vérifiera lignes téléphoniques, coordonnées bancaires, sites Internet, forums de discussion, courriels, etc. Ce qui permettra de savoir « à tout moment qui a contacté qui, où et quand ». C'est Big Brother ! Pour la bonne cause bien sûr. Le citoyen ordinaire n'a rien à craindre. On n'est pas en régime totalitaire que diable! Mais pour l'instant on ne parle plus d'un contrôle parlementaire et du projet de loi qui devait l'organiser comme nous le disions dans l'article précité de 2007 ..
Existe aussi le risque d'une autre dérive. Comme on le sait, la volonté présidentielle est de nous intégrer le plus possible dans les organismes de l'Otan (dont, d'ailleurs, nous ne sommes jamais complètement sortis). Mais à la tête de l'Otan, il y a les Etats-Unis. Le Figaro a qualifié la DCRI de « FBI à la française ». Et même, en première page, de « véritable CIA », toujours « à la française » bien sûr. Des comparaisons fort inquiétantes quand on songe aux privations de droits élémentaires (y compris au détriment des « citoyens ordinaires ») qu'a engendrées l'instauration du Patriot Act imposé par George W. Bush au Congrès des Etats-Unis après les attentats du 11 septembre 2001. Faut-il vous faire un dessin ?
Jean PARLANGE. Rivarol du 11 juillet 2008

jeudi 16 octobre 2008

Immigration : le fiasco (volontaire ?) du duo Hortefeux-Sarkozy

RIVAROL le dit depuis l'origine : la prétendue fermeté Nicolas Sarkozy et de son ministre de l'Immigration en matière de maîtrise des flux migratoires n'est que de la poudre aux yeux. Et les quelques mesures d'apparente restriction de la déferlante allogène que nous subissons à jets continus depuis des décennies sont même écartées, ici par une commission de "sages", là par les autres pays de l'Union européenne. Qu'on en juge.
LE TRIPLE AFFRONT DE LA COMMISSION MAZEAUD
La commission Mazeaud, dans le rapport qu'elle a remis au gouvernement le 11 juillet, a purement et simplement désavoué la politique de quotas défendue par le chef de l'Etat. Mais n'était-ce pas le but de la manœuvre ?
Le 30 janvier, Brice Hortefeux avait en effet confié au gaulliste de gauche Pierre Mazeaud, ancien président du Conseil constitutionnel et homme d'une haine militante à l'égard de la droite nationale (on se souvient de ses insultes publiques contre Le Pen il y a quelques années), la présidence d'un groupe de 13 prétendus sages - parlementaires, juristes, démographes, économistes - pour réfléchir au cadre constitutionnel de la nouvelle politique d'immigration "choisie" développée par Sarkozy.
Or, la commission a répondu « trois fois non » aux interrogations gouvernementales - pas de quotas, pas de réforme des juridictions et pas de révision de la Constitution - et conclu qu'« une politique de contingents migratoires limitatifs serait sans utilité réelle en matière d'immigration de travail, inefficace contre l'immigration irrégulière ».
« Voilà une formule qui semble enterrer définitivement un dispositif de quotas en France », commente Le Figaro pourtant peu suspect d'hostilité à l'égard de l'actuel gouvernement. La commission relève aussi qu'une politique de quota migratoire global ou par grand type d'immigration « n'est pratiquée nulle part en Europe », alors que Sarkozy, en septembre 2007 sur France 2, avait affirmé que « tous les pays démocratiques le font ». Le Parti socialiste se réjouit évidemment de cette situation : « La commission Mazeaud vient de désavouer la politique des quotas chère au tandem Sarkozy-Hortefeux », affirme ainsi dans un communiqué le Beur Faouzi Lamdaoui, secrétaire national du PS à l'égalité, la diversité et la promotion sociale. « C'est un grand coup pied de l'âne donné par la commission Mazeaud », surenchérit Pierre Henry, directeur général de France Terre d'asile, favorable à une immigration totalement libre.
Jean-Marie Le Pen ironise quant à lui sur les « plus de cinq mois qu'il a fallu à la commission Mazeaud pour aboutir à la conclusion que pour atteindre l'objectif d'une immigration à 50 % économique il faudrait "décupler" les arrivées ». Or, observe le président du FN, « cette multiplication par dix de l'immigration était bien l'objectif caché de l'immigrationniste Nicolas Sarkozy ». Le Pen se réjouit aussi du rejet par la commission Mazeaud des trois projets que Nicolas Sarkozy lui avait soumis. Mais naturellement pas pour les mêmes raisons que le Parti socialiste. Le Front national étant favorable à l'immigration zéro, tant légale qu'illégale, il s'est toujours déclaré hostile au principe des quotas qui ajoute simplement l'immigration choisie à l'immigration subie.
LA POLITIQUE DES QUOTAS EPINGLEE
Reste que les recommandations de la commission qui juge que « des quotas migratoires contraignants seraient irréalisables ou sans intérêt » portent incontestablement un coup sévère au dispositif soutenu par le chef de l'Etat. Depuis son élection à l'Elysée, Nicolas Sarkozy a plaidé à plusieurs reprises en faveur des quotas. Ainsi en janvier dernier, lorsqu'il avait demandé à Brice Hortefeux « d'aller jusqu'au bout d'une politique fondée sur des quotas », en affirmant : « tout le monde sait que c'est la seule solution », Mais cette notion a été jugée par deux fois par le Conseil constitutionnel contraire au fameux principe d'égalité qui concerne aussi bien les Français que les étrangers vivant en France.
Dans son rapport, la commission "unanime" invite les pouvoirs publics « à ne pas s'engager dans cette voie » d'une réforme constitutionnelle, qui au « plan politique sur un sujet aussi sensible diviserait profondément et inutilement la société française ». Dans le domaine de la politique d'immigration « plus encore qu'ailleurs, écrivent les membres de la commission Mazeaud, l'action patiente, résolue et respectueuse de la complexité des choses doit être préférée aux remèdes spectaculaires mais illusoires ». Bien que tout cela soit dit en termes diplomatiques, il est difficile de davantage prendre ses distances avec le projet sarkozien. Il est possible que le gaullo-chiraquien Mazeaud ne soit pas mécontent de courroucer Sarkozy qu'un autre chiraquien, Jean-Louis Debré, à la tête du Conseil constitutionnel, se fait fort de tancer régulièrement. Mais il n'est pas exclu non plus que, s'attendant à un tel dénouement, l'Elyséen ait favorisé la création de la commission à seule fin de justifier son immobilisme.
UN SEMBLABLE LAXISME
Officiellement, l'entourage d'Hortefeux n'a évidemment retenu que les quelques satisfecit donnés par ladite commission, notamment l'approche du ministre en faveur « d'une immigration professionnelle concertée avec les pays d'origine ». Pour Mazeaud et ses compères, ces accords, tels ceux signés avec le Sénégal, le Gabon, le Bénin, le Congo et la Tunisie, sont « appelés à devenir des outils tout à fait essentiels de la nouvelle politique migratoire de la France » et devraient être "généralisés" d'ici "2012". , Ce qui est une façon là encore d'accroître le nombre des immigrés présents en France.
En matière de reconduites à la frontière, si difficiles à exécuter, la commission propose aussi carrément la suppression de l'obligation de quitter le territoire français (Oqtf). Seuls feraient l'objet de mesures d'éloignement les étrangers appréhendés, sur notre territoire, en situation irrégulière et sous main de police. Autre mesure suggérée qui va toujours dans le sens des droits exorbitants des migrants : l'institution d'un recours administratif obligatoire avant tout recours contentieux contre un refus de séjour opposé à un étranger résident. Ce recours serait examiné par une commission placée au niveau départemental et composée de façon à se prononcer avec l'autorité suffisante, après avoir entendu l'intéressé, au vu de l'ensemble de sa situation et en particulier de son insertion dans la société française. Bref, ce n'est pas demain la veille que l'on procédera au départ massif des immigrés du Tiers Monde !
FEU VERT DE L'UNION AUX RÉGULARISATIONS MASSIVES
Si la commission Mazeaud tue dans l'œuf la politique des quotas - de toute façon très critiquable -, Paris a également dû en rabattre à l'échelle européenne sur ses projets affichés. Réunis le 7 juillet à Cannes, les Vingt-Sept ont certes adopté la dernière mouture du « Pacte de l'immigration » proposé par Brice Hortefeux mais l'ont vidé de sa (déjà maigre) substance. En dehors de quelques mesures bien faiblardes de lutte contre l'immigration clandestine - et dont rien ne prouve du reste qu'elles seront rigoureusement appliquées (renforcement du contrôle européen des frontières (Frontex) avec la création d'un état-major commun, reconnaissance par tous les pays des décisions d'expulsion, adoption du passeport biométrique) -, ce texte est d'un effrayant laxisme.
Il n'impose pas aux immigrants légaux l'apprentissage de la langue et de la culture du pays d'accueil, comme s'y était engagé Sarkozy tout au long de sa campagne présidentielle. Le texte adopté stipule simplement que les Etats membres mettront en place « selon les procédures et les moyens qui leur paraîtront adaptés des politiques ambitieuses d'intégration ». Le pacte final ne prévoit pas non plus de politique d'immigration choisie commune. Le texte approuvé est on ne peut plus clair. « Il revient à chaque Etat membre de décider des conditions d'admission sur son territoire des migrants légaux et de fixer le cas échéant leur nombre ». Que chaque Etat puisse décider souverainement est en soi une bonne chose mais cette disposition est largement théorique puisqu'il n'y a pas de frontières internes à l'Union européenne et que chaque immigré entré dans l'un des pays de l'UE peut se déplacer librement dans les autres. Il suffit qu'un pays se montre laxiste pour que tout le monde pâtisse des conséquences. « L'accès au territoire de l'un des Etats membres peut être suivi de l'accès au territoire d'autres Etats membres. Aussi est-il impératif que [chacun] prenne en compte les intérêts de ses partenaires dans [ ... ] ses politiques d'immigration, d'intégration et d'asile » note d'ailleurs le Pacte, qui en reste au domaine du vœu pieux.
Enfin et surtout, le document adopté par les Vingt-Sept ne désavoue pas les politiques de régularisation massive et collective. Le ministre de l'Immigration, qui présidait le 7 juillet à Cannes une réunion informelle avec ses vingt-six partenaires, s'est heurté au gouvernement socialiste de José Luis Zapatero : celui-ci craignait qu'un tel engagement ne fût interprété sur la scène politique espagnole comme une condamnation de la vague de régularisations qu'il a décidée en 2007 et dont près d'un million de "sans-papiers" ont bénéficié. Dans sa première version, le Pacte d'Hortefeux constatait que « les régularisations massives et collectives produisent un appel d'air important », ce qui apparaissait comme une condamnation des régularisations espagnoles, mais aussi italiennes de 2003 (plus de 600 000) et de 2006 (plus de 500 000). Il faut, proclamait cette version, « à l'avenir y renoncer. La régularisation devra [relever] d'un examen au cas par cas, dans des conditions exceptionnelles, notamment humanitaires, répondant à des objectifs précis ».
LE DEFERLEMENT CONTINUE, LES FAUX SEMBLANTS AUSSI ...
Madrid ayant donc manifesté son opposition, l'engagement est complètement dilué : les Vingt-Sept sont en effet convenus « de se limiter à des régularisations au cas par cas, et non générales, dans le cadre des législations nationales, pour des motifs humanitaires ». Ce qui. de l'avis des diplomates espagnols présents à Cannes, note Libération, couvre très précisément la régularisation de ... 2007, « véritable vague de cas par cas ». De fait, comme nous l'avons souvent écrit, cette notion de « régularisation au cas par cas » est une véritable imposture destinée à rassurer l'électorat rétif à un surcroît d'immigration. Car comme l'avouait un syndicaliste CGT - cité par Le Pen dans son discours du 1er mai - et qui luttait pour la régularisation des clandestins travaillant dans la restauration et l'hôtellerie, « Nicolas Sarkozy parle de régularisations au cas par cas mais en fait il s'agit bien de régularisations massives ».
C'est dire à quel point nous sommes pieds et poings liés. Dépossédés, trahis, submergés.
Jérôme BOURBON, Rivarol du 18 juillet 2008
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lundi 13 octobre 2008

La fausse victoire de Sarkozy

UN CINGLANT échec à Dublin où il a dû rengainer son intention de « faire revoter l'Irlande », un demi-succès à Versailles où la réforme constitutionnelle a été acquise d'une seule voix, comme l'avait été en 1793 la condamnation à mort de Louis XVI.
Décidément, la « magie sarkozienne » n'opère plus et moins encore l'autorité qu'était censée donner au chef de l'Etat français la présidence tournante de l'Union européenne. Accueilli à Dublin lundi par des pancartes portant les mots « Casse-toi, pauvre con ! », cruelle référence à l'injure que lui-même avait lancée au Salon de l'Agriculture à un quidam qui refusait sa main tendue, Nicolas Sarkozy a dû rabattre de sa superbe. Le cosmopolite qui prétendait « régler le problème irlandais » avant les élections européennes de juin 2009 a dû s'incliner devant la détermination celte. Rien ne bougera avant le 31 décembre, quand il passera la main à son homologue tchèque, et le communiqué commun diffusé à l'issue de ses entretiens avec le Premier ministre Brian Cowen est peu encourageant puisqu'il signale simplement que les deux hommes « se sont engagés à agir en étroite concertation afin de trouver le moyen de faire progresser l'Union ». Difficile de trouver formule plus vague.

L 'ELYSEEN allait-il se revancher avec le vote du Parlement réuni en Congrès sur la révision de près de la moitié des articles de la Constitution ? Il l'espérait bien, le Premier ministre et lui-même (de Marrakech où il villégiaturait en compagnie, assurent les initiés, du couple Strauss-Kahn/Sinclair qui possède dans la Ville rouge un somptueux riad) ayant multiplié les interventions et surtout les pressions pour faire basculer les plus réfractaires des élus UMP. Ces derniers menacés, comme l'ont avoué certains d'entre eux, de perdre l'investiture du parti, voire d'être lésés dans le redécoupage de leur circonscription s'ils n'émettaient pas l'avis conforme. Quant aux "flottants" tels les Radicaux de Gauche de Jean-Michel Baylet, ils ont été l'objet d'une cour effrénée, avec promesses de décorations et même de « missions rémunérées » ... sans oublier l'heureux et si opportun dénouement, quelques jours avant le vote, du litige opposant le "parrain" Tapie au Crédit lyonnais. Et tout cela a pourtant bien failli ne pas suffire puisque six députés et un sénateur UMP (honneur à ces résistants !) ont voté contre.
Les groupes UMP et Nouveau Centre réunissent 58,5 % des parlementaires, la majorité des trois-cinquièmes des suffrages exprimés (896) était requise, soit 538 voix. Or, 539 parlementaires seulement ont émis un vote favorable. Sans la trahison du socialiste Jack Lang, prêt à toutes les compromissions pour jouer un rôle officiel, et la manœuvre du président du Congrès Bernard Accoyer qui s'est assis sur la tradition observée depuis 1958 pour glisser son bulletin dans l'urne, la partie était perdue. Un résultat peu glorieux pour le pouvoir après tant de manipulations et de tentatives d'intimidation et qui traduit un profond rejet du premier magistrat de France et de tout ce qu'il incarne, plus encore que de sa réforme.
Comble de cynisme, celle-ci avait été présentée comme devant accroître les pouvoirs du Parlement alors qu'elle accentuera encore davantage la présidentialisation du régime transformé en une "monocratie".
Il est en effet patent que le prétendu référendum d'initiative populaire, soigneusement encadré, ne sera autorisé que s'il est prétexte à plébiscite. Et qu'en s'arrogeant le droit de s'adresser directement au Parlement, mais sans que son discours donne lieu à débat ou à vote, le chef de l'Etat officialise la confusion entre Exécutif et Législatif.
Cet emprunt servile à la Constitution états-unienne aurait été à la rigueur admissible si avaient été également adoptés ses corollaires : la suppression du poste de Premier ministre (mais pas question de se passer bien sûr de ce fusible) et une procédure de destitution du président en cas de forfaiture. Mais là encore Sarkozy s'est bien gardé de toucher au principe chiraquien de totale immunité, ce qui rend impossible tout "impeachment". En revanche il a fait, toujours à l'américaine, réduire à deux le nombre de mandats présidentiels consécutifs. Ce qui, escompte-t-il, lui permettra d'être plus facilement reconduit en 2012 : après tout, un quinquennat est vite passé ...
Quant au référendum maintenu - pour toute nouvelle adhésion à l'Union européenne en commençant par celle de la Turquie, ne nous faisons pas trop d'illusions : l'Elysée peut parfaitement choisir la voie parlementaire si les trois-cinquièmes du Parlement lui donnent le feu vert. Au contraire du référendum d'initiative dite par antiphrase populaire, qui doit être appuyé par 4 millions de citoyens et 200 parlementaires, cette autorisation sera une simple formalité quand on sait que la Gauche, tous partis confondus, brûle d'accueillir Ankara dans l'ex-"Club chrétien".
Cette vingt-quatrième révision constitutionnelle - en moins de cinquante ans ! - aurait eu un sens si elle avait abouti à l'introduction d'une dose au moins de proportionnelle et mis fin à « l'inepte système de parrainage pour l'élection du Président de la République ». Mais, comme l'a aussitôt déploré Bruno Gollnisch, faute de ces indispensables modifications, « des millions de Français resteront sans une seule voix pour porter l'écho de leurs souffrances et de leurs espoirs dans ce que l'on ose encore appeler la représentation nationale » et « les traitements discriminatoires tel que celui que subit le Front National » se poursuivront.
Du point de vue de Sarkozy, qui s'estime débarrassé de tout danger sur sa droite, c'est évidemment une réussite. Mais sa non-réforme aura été adoptée de si extrême justesse, dans des conditions si déshonnêtes et si déshonorantes pour un homme porté triomphalement au pouvoir il y a moins de quinze mois, que ce calamiteux 21 juillet pourrait bien être le symbole de sa présidence.
RIVAROL du 25 juillet 2008

samedi 11 octobre 2008

Communication sarkozyste : l’oxymore, une rhétorique d’ahurissement Le président, la carpe et le lapin

A la tribune des Nations unies, le président Sarkozy a appelé le 23 septembre dernier, face à la crise financière, pour ne pas dire la crise économique mondiale, à « reconstruire un capitalisme régulé ». La formule n’est, à vrai dire, pas très originale et empruntée à la gauche. Elle correspond en tout cas à un remarquable oxymore, artifice rhétorique consistant à accoler deux termes de signification contraire pour en renforcer le sens.

Explications :

Le président réclame donc un « capitalisme régulé ».

Mais il semble ignorer, justement, que le propre du capitalisme est d’être un système économique qui repose sur sa seule autorégulation, celle de la main invisible du marché censée produire les meilleurs effets et garantir la prospérité de tous. En tout cas supérieur à ceux de la régulation politique ou administrative de l’économie. La régulation du capitalisme par autre chose que lui-même est donc une contradiction, sinon une imposture. Soit c’est une pseudo-régulation, genre réunion du G8, que le président préconise d’ailleurs, soit on sort de l’économie capitaliste pour entrer dans l’économie administrée ou la social-démocratie.

Ce discours contredit, au demeurant, totalement la pratique des pays occidentaux et européens depuis 20 ans consistant à « déréguler » (on dit « libéraliser ») en permanence des pans entiers de l’économie et de l’organisation sociale des Etats, perçus comme autant d’obstacles à l’efficience de la libre concurrence et des marchés. Le président a-t-il l’intention d’arrêter ce mouvement ? En a-t-il seulement les moyens ? La crise lui aurait donc ouvert les yeux sur la vraie nature du capitalisme ? Poser la question c’est y répondre. La vérité est que Nicolas Sarkozy est surtout un excellent communicant et qu’il connaît depuis longtemps la vertu soporifique de l’oxymore en politique.

Il nous a, en effet, habitués à bien d’autres oxymores politiques, qui semblent constituer l’horizon indépassable de sa réflexion politique. On rappellera les principaux.

D’abord il y a eu « l’islam à la française », préconisé déjà par Nicolas Sarkozy lorsqu’il était ministre de l’Intérieur. Cet « islam à la française » est un oxymore, car comme toutes les religions universelles il ne peut être nationalisé. Il n’est pas en phase, en outre, avec les racines chrétiennes de l’Europe. Mais cet oxymore sert à nous faire croire que l’islam serait soluble dans l’identité française et à cacher que c’est bien l’inverse qui semble se produire.

Ensuite il y a eu « l’immigration choisie ». Car s’il y a bien un phénomène qui n’a pas été soumis au choix et à la décision des peuples européens c’est bien l’immigration, qui leur a été imposée par la superclasse dirigeante (l’hyperclasse mondiale) et accessoirement par le patronat. « Choisir » l’immigration suppose en outre des capacités de régulation des flux migratoires dont sont justement démunis les gouvernements européens, empêtrés dans l’idéologie mondialiste et droit-de-l’hommesque. Cet oxymore sert à masquer que la vraie solution n’est pas l’immigration choisie mais l’inversion des flux migratoires : c’est-à-dire la migration inverse des immigrants.

Il y a eu aussi la « discrimination positive », comme remède aux difficultés évidentes de « l’intégration ». Cet oxymore a été importé, il est vrai, des Etats-Unis puisque le président s’est borné à reprendre un discours sur « l’affirmative action » vieux de 30 ans. La discrimination n’est en effet positive pour personne : ni pour les minorités, dont la progression sociale est artificiellement liée non à leurs talents mais à leur ethnie ; ni, bien sûr, pour le reste de la population, qui se trouve systématiquement brimée. L’oxymore sert en réalité à masquer la volonté de mettre en place un système de préférences ethniques à l’encontre des Français de souche, dans l’espoir naïf de se constituer une clientèle électorale alors que la majorité des électeurs issus de l’immigration votent à gauche.

Il y a maintenant la « laïcité positive », ressortie lors de la venue du pape Benoît XVI en France, après avoir été vendue aux représentants du culte musulman, tout en étant vivement appréciée du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF). La laïcité reposait en effet sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat et donc l’abstention de ce dernier dans les affaires religieuses, mais l’oxymore politique prétend désormais qu’il conviendrait, au contraire, d’aider tous les cultes : c’est en cela que la laïcité serait « positive », comme lorsque les communes donnent systématiquement des facilités aux musulmans pour construire des mosquées. Mais si elle était « positive » hélas, elle ne serait plus laïque. Bien entendu, on a compris que cet oxymore vise un seul objectif : encourager l’islam dans le vain espoir de fonder ce fameux « islam à la française ». L’oxymore appelle donc l’oxymore comme le vide appelle le néant.

Gageons que notre président et ses conseillers en communication vont nous présenter encore bien d’autres oxymores en guise de politique. Tous assenés avec force gesticulations médiatiques, comme il sait si bien le faire. Hélas, la politique ne se réduit pas à la rhétorique, elle reste du domaine des faits et des rapports de force !

Dans le monde concret, les oxymores sont des sortes de PACS idéologiques : comme le mariage de la carpe et du lapin, ils ne débouchent que sur des unions fragiles et infécondes.

Michel Geoffroy http://www.polemia.com/

mercredi 8 octobre 2008

L'armée fusillée par Sarkozy

Chaque fois que les pouvoirs publics évoquent la modernisation ou l'adaptation d'une structure, d'une entreprise ou d'un secteur, on peut craindre le pire. Et en effet, présentant le 17 juin le Livre blanc sur la Défense et la sécurité nationale Porte de Versailles à Paris devant quelque 3 000 militaires, gendarmes, policiers et responsables de la sécurité civile au garde-à-vous, Sarkozy s'est voulu rassurant, se disant « garant de la défense des intérêts vitaux et stratégiques de notre pays » et affirmant avoir pour objectif que « notre pays reste une puissance militaire et diplomatique majeure, prête à relever les défis que nous confèrent nos obligations internationales, et celui que l'Etat assure l'indépendance de la France et la protection de tous les Français ».
SAIGNÉE DANS LES EFFECTIFS
Pourtant ce discours présidentiel est à marquer d'une pierre noire pour l'armée française. En effet, le chef de l'Etat a annoncé une réduction de 54 000 postes civils et militaires de la Défense, soit une baisse de plus de 16 % étalée sur « six ou sept ans ». Les effectifs de l'armée de terre vont diminuer de 17 %, ceux de l'armée de l'air de 25 % et ceux de la marine de 11%. Quant à la gendarmerie, elle sera rattachée au ministère de l'Intérieur dès le 1e janvier 2009.
Cette décrue sans précédent des effectifs - que nous avions prévue dans l'éditorial du 25 janvier titré : « Avec Sarko la Défense à la casse » - se traduira par la dissolution de dizaines de régiments et de bases aériennes tandis qu'une cinquantaine de communes pourront voir disparaître toute présence militaire sur le sol. Certes, la liste définitive ne doit être connue que jeudi prochain, lorsque le ministre de la Défense, l'ectoplasme Hervé Morin, la présentera à ses troupes, mais d'ores et déjà la fermeture des bases aériennes de Cambrai, de Reims et de Colmar semble acquise même si le ministère n'a pas encore tranché entre l'abandon de Dijon ou de Luxeuil.
S'agissant de la marine, la décision de construire un second porte-avions est renvoyée aux calendes grecques, l'Elysée promettant de choisir d'ici à la fin du quinquennat, probablement pas avant 2011.
LA DÉFENSE, LA MAL AIMÉE DE LA Ve RÉPUBLIQUE
Cela fait longtemps que l'armée est le parent pauvre des gouvernements successifs. La Grande Muette est la mal aimée de la Ve République. De Gaulle l'a trahie de manière éhontée en 1958 en lui donnant l'assurance que la France resterait en Algérie tout en négociant secrètement avec le FLN. L'armée française ne s'est jamais vraiment remise de cette trahison initiale, les traditions militaires mettant l'honneur, la loyauté et le respect de la parole donnée au-dessus de toutes les vertus. Les successeurs de l'homme de Colombey ne manifestèrent guère plus d'égards envers les militaires. C'est sous François Mitterrand, Rocard étant à Matignon et Jospin rue de Grenelle, que pour la première fois dans l'histoire de la République le budget de la Défense ne représentait plus le premier poste de dépenses de la nation, l'Education nationale l'ayant détrôné. Ce déséquilibre n'a depuis cessé de croître et d'embellir.
En décidant en 1996 l'abandon de la conscription et la professionnalisation des années, Jacques Chirac avait drastiquement réduit les dépenses militaires tout en promettant à la Grande Muette que les réductions d'effectifs seraient largement compensées par le perfectionnement de leur équipement et la sophistication de leur armement. Mais jamais l'on n'avait démantelé à ce point notre outil de défense.
L'AUXILIAIRE DU NOUVEL ORDRE MONDIAL
Il est vrai que dans la logique mondialiste il ne s'agit plus de protéger la patrie mais de défendre les droits de l'homme selon les critères de l'OTAN et de l'ONU. Sarkozy a d'ailleurs achevé son discours Porte de Versailles en évoquant une France qui « jouera tout son rôle pour la défense de la paix et de ses valeurs », Déjà, dans ses vœux à la nation le 31 décembre dernier, il avait remercié les soldats français défendant dans le monde « nos valeurs ». Il n'est nullement question de la patrie. Il ne s'agit plus de défendre un territoire concret, charnel, ni une souveraineté - bradée à Bruxelles. Il s'agit de transformer nos soldats en bras armé de la nouvelle gouvernance mondiale, de mettre l'armée française au service de valeurs abstraites qui sont le cache-sexe de l'impérialisme américano-sioniste.
LE RETOUR DANS L'OTAN
Car, et c'est sans doute l'essentiel du discours sarkozien, l'alignement sur les Etats-Unis est total : Alors même que la Cour des comptes américaine (GAO) dénonçait le contrat de 35 milliards de dollars signé par le Pentagone avec Airbus-EADS pour la livraison d'avions ravitailleurs - et qu'avait contesté Boeing -, le chef de l'Etat a en effet confirmé sa volonté de réintégrer les structures du commandement intégré de l'OTAN que la France avait quitté sous De Gaulle en 1966. Le Livre blanc appelle en effet à une « relation transatlantique rénovée » et à une « pleine participation » de la France à l'OTAN. L'on voit bien que l'Union européenne n'est qu'un appendice de l'Oncle Sam, son serviteur zélé, la fameuse défense européenne dont on nous tympanise depuis des années n'étant là que pour masquer la totale inféodation à l'OTAN comme l'avait si souvent prédit Jean Deni-pierre dans nos colonnes.
Dans cette logique de soumission à l'Amérique, la France abandonne sans remords ses zones d'influence traditionnelles. En Afrique, la présence militaire sera ainsi allégée, voire supprimée comme en Côte d'Ivoire. Les Américains qui font tout pour nous écarter du continent africain peuvent triompher ! Le document préconise en effet une révision "radicale", pas moins, des accords de défense sur ce continent. Or, il ne faut pas oublier que la constante dans la géopolitique de la Maison-Blanche est de réduire le rôle mondial de notre pays, de détruire ses zones de force et d'influence, de contrecarrer ses intérêts économiques et géostratégiques. C'est ainsi que les Etats-Unis se sont acharnés à ce que nous perdions nos colonies, envoyant même des armes au FLN via la Tunisie en 1957.
La défense revue et corrigée par Sarkozy est appelée désormais à « se concentrer sur un axe géographique prioritaire », de la Méditerranée au nord de l'océan Indien. Ce qui justifie comme par hasard de nouvelles bases permanentes dans le Golfe. Comme si l'on se préparait à une guerre contre l'Iran ! Il est vrai que Sarkozy s'est déjà engagé en Angleterre, puis devant George Bush lors de sa récente visite à Paris, à augmenter fortement la présence militaire de la France aux côtés des Américains en Afghanistan.
Sans surprise la Maison-Blanche a « salué la nouvelle » de ce retour dans l'OTAN. Sarkozy a certes pris soin de préciser dans son discours que « nos forces armées resteront nationales » et que « la France ne placera aucun contingent militaire sous commandement permanent de l'OTAN en temps de paix », mais cela ne trompe personne. Le Front national et les souverainistes ont condamné cette inféodation aux Etats-Unis. Le Parti socialiste également. Son premier secrétaire François Hollande a ainsi jugé sur RTL « extrêmement grave » la décision du chef de l'Etat tandis que l'ex-ministre de la Défense Alain Richard estime, lui, que les conclusions du Livre blanc « sont définies non par une vision stratégique, mais par une logique budgétaire ». Mais de la part de la gauche il s'agit de réactions de tartufes car, comme l'écrivait Libération du 18 mai, « sur le fond du dossier les socialistes sont embarrassés. Ils reconnaissent que si Ségolène Royal avait été élue, ils auraient confié la direction de leur Livre blanc au même Jean-Claude Mallet, le conseiller d'Etat qui l'a dirigé pour le compte de Sarkozy. Confidence d'un socialiste : " Au final, notre document n'aurait pas été très différent. Sauf sur l'OTAN, où l'on aurait fait de l'idéologie et sur quelques aspects de sécurité intérieure." »
Ce qui prouve une nouvelle fois que l'UMP et le PS c'est bonnet rose et rose bonnet !
QUID DE L'IMMIGRATION ?
Par ailleurs, le Livre blanc fixe les « contrats opérationnels » des armées, c'est-à-dire ce que l'Etat attend des militaires en termes de capacités. Pour l'année de terre, il s'agit de pouvoir projeter 30 000 hommes à 7 000 ou 8 000 kilomètres de la France, en cas de coalition internationale (évidemment dans le cadre de l'OTAN). Dans le même temps, elle devrait garder, nous assure-t-on, une capacité de 5 000 hommes pour une autre opération extérieure et de 10 000 sur le théâtre national. Ce qui est bien peu lorsque l'on constate la multiplication des émeutes urbaines, de Villiers-le-Bel à Vitry-le-François, et l'explosion des zones dites de non-droit - plus d'une centaine en France. Hervé Morin a expliqué sur France 2 le 17 juin que la disparition de la menace soviétique justifiait une réduction des effectifs et du budget de la Défense. Mais c'est faire fi du caractère très instable et dangereux du monde actuel et surtout c'est nier la gravité de la situation à l'intérieur même du territoire national. Car les experts savent très bien que les émeutes de l'automne 2005 peuvent se reproduire, en bien pire, à tout moment sur l'ensemble du territoire. Aurait-on alors les moyens d'y faire face ? Sans oublier le fait que nos unités sont désormais très métissées, y compris chez les parachutistes dont plus d'un cinquième des effectifs sont allogènes. Au reste, il y a quelques mois, était paru dans Le Figaro un article très alarmiste évoquant le refus grandissant de soldats mahométans de se soumettre à la discipline militaire, de saluer le drapeau, leur propension à exiger des repas spéciaux et toute une série de dérogations, leur insistance à manifester au grand jour leur exécration de la France et des Français.
Preuve de la volonté sarkozienne de créer une année « de moitié », le Livre blanc qui, précisons-le, n'est pas un rapport d'experts mais l'expression de la volonté du chef de l'Etat - fixe le cadre budgétaire pour les douze prochaines années (2009-2020), à hauteur de 377 milliards d'euros. Un chiffre en très nette baisse si on le rapporte au Produit intérieur brut. « Pensions comprises, nous sommes aujourd'hui à 2,3 % du PIB. Au terme du processus, nous serons à 2 % » explique-t-on à l'Elysée. Comme quoi si l'on se soumet aux Etats-Unis, en revanche on ne les imite pas dans l'importance qu'ils accordent à la Défense, le budget américain des armées dépassant largement 3 % du PIB. En revanche, on adopte leur vocabulaire. Le Livre blanc comprend ainsi un volet « sécurité nationale », concept d'importation américaine qui n'existait pas dans les deux précédents Livres blancs de 1972 et de 1994.
ATTENTION A LA COLÈRE DES LÉGIONS ?
Même si elle est tenue à un devoir de réserve, l'armée s'inquiète beaucoup des desseins du chef de l'Etat. Fait exceptionnel, un groupe d'officiers généraux et supérieurs des trois armées terre, air, mer, tenu à l'anonymat, critique fortement dans Le Figaro du 19 juin le Livre blanc en pointant notamment quatre incohérences majeures. La première, c'est que « l'Europe en général et la France en particulier diminuent leur effort de défense au moment même où chacun les augmente (les dépenses militaires mondiales ont progressé de 45 % en dix ans) », La seconde, c'est de ne pas tenir compte de « l'évolution de la conflictualité, le paradigme de la "guerre industrielle" (entre arsenaux étatiques) ayant été remplacé par celui de la "guerre bâtarde ", le plus souvent "au sein des populations", ce qui exige à la fois des forces terrestres plus nombreuses, une capacité de projection aérienne et navale plus affirmée, une réorientation des programmes en conséquence ». Troisième incohérence : « Nous revenons dans l'OTAN, avec une capacité militaire affaiblie, et tout en y revendiquant des postes de commandement. Nous prétendons faire de la politique européenne de sécurité et de défense (PESD) un dossier majeur du renforcement de la défense européenne sous présidence française, et nous baissons la garde au moment où nous souhaitons entraîner nos partenaires vers un renforcement de la défense européenne. Mais surtout, nous abandonnons aux Britanniques le leadership militaire européen, alors que nous connaissons la nature particulière de leurs relations avec les Etats-Unis. La France jouera désormais dans la division de l'Italie. Il est inutile de se payer de mots. » Quatrième incohérence : alors que nous avons « la certitude de nous engager vingt fois en Afrique dans les années qui viennent, pour y éviter des catastrophes humanitaires ou assurer l'évacuation de nos ressortissants ( ... ), nous affaiblissons de manière définitive notre positionnement, avec ce paradoxe que nos abandons vont conduire mécaniquement à un accroissement du nombre de crises que nous ne pourrons plus prévenir et dans lesquelles nous ne pourrons intervenir qu'à un coût incomparablement plus élevé. »
Difficile d'être plus sévère. Mais Sarkozy, qui se moque éperdument de la France, ne s'inquiète nullement de l'avenir de son armée. Dans le schéma mondialiste, les fonctions régaliennes de l'Etat (la police, l'armée, la justice) deviennent caduques ou à tout le moins subsidiaires.
A quoi en effet sert une armée s'il n'y a plus de patrie à défendre, de sol à protéger, de frontières à contrôler, si l'on ne sait plus ce qu'est la France et si l'Europe que l'on prétend construire n'est en réalité que le laboratoire et l'antichambre d'une gouvernance planétaire dirigée par Israël, ses alliés et ses zélotes ?
Jérôme BOURBON, Rivarol du 27 juin 2008

jeudi 2 octobre 2008

La réforme de l'audiovisuel public : salut les copains !

M. JEAN-FRANÇOIS COPÉ, président du groupe UMP à l'Assemblée, a reçu de Nicolas Sarkozy la mission de diriger les travaux de la Commission sur la nouvelle télévision publique. Le 7 mai, il a informé la presse des grandes lignes de la réforme en cours, laquelle poursuivra l'objectif assigné par le président : supprimer la publicité sur les chaînes publiques.
Mais laissons-le nous expliquer son projet : « La commission réfléchit à une organisation matricienne, avec du point de vue horizontal les contenus qui fonctionneraient en synergie avec le vertical, les supports. C'est une organisation très moderne clarifiée, plus efficace, qui permettrait des synergies et faciliterait la création. » Dans son élan, il poursuit : « On aurait d'un côté, un pôle horizontal, avec les contenus et une répartition des unités éditoriales par genre (information, sport, fictions, savoir et connaissance, jeunesse, divertissement, culture, cinéma). Et sur le vertical, tous les supports seront pris en compte ... »
Fichtre !
Quand on lit des fumisteries du genre « organisation matricienne, avec du point de vue horizontal les contenus qui fonctionneraient en synergie avec le vertical, les supports », il est urgent de s'interroger sur ce qui se manigance. Alors on se demande pourquoi le président de la République en personne veut supprimer la publicité, c'est-à-dire les recettes publicitaires, sur les chaînes publiques. De prime abord, on pourrait penser que l'idée n'est pas mauvaise. Mais voyons quelles sont les implications d'une telle réforme.
Aujourd'hui, les chaînes hertziennes de grande audience (TF1, France 2, France 3 et M6) se partagent l'essentiel de la manne de 3,6 milliards d'euros que constituent les budgets publicitaires des géants économiques (agro-alimentaire, industrie automobile, banques et assurances, grande distribution ... ) A titre d'exemple, les recettes publicitaires de France 2 en 2007 représentent 40 % des ressources de la chaîne pour 800 millions d'euros ! La réforme voulue par Sarkozy aurait donc pour conséquence immédiate de permettre le report de ces fonds sur les deux chaînes privées restant en lice, celles-ci étant providentiellement débarrassées de la concurrence. Etrange de la part d'une mouvance politique qui vante justement la concurrence comme régulatrice des marchés. En toute logique, TF1 et M6 pourront ainsi augmenter les tarifs de leurs espaces publicitaires de manière considérable.
Voyons maintenant à qui profite le crime.
TF1 est la propriété du groupe Bouygues, dont le président est Martin Bouygues, ami intime de Nicolas Sarkozy. Tiens, tiens, tiens ... Quant à M6, ou Métropole Télévision, son directeur n'est autre que Nicolas de Tavernost. Ce dernier connaît aussi très bien M. Sarkozy : le siège de Métropole Télévision est installé à ... Neuilly ! Coïncidence ? En fait, Tavernost fait aussi partie depuis 1985 du « Club Neuilly Communication », officine créée par Sarkozy lui-même, alors qu'il était encore maire de la commune la plus riche de France !
Le brouillard soulevé par la logorrhée de Copé se dissipe peu à peu.
Poursuivons l'enquête... La fameuse et non moins fumeuse « organisation matricienne » (et non pas matricielle comme les réfractaires au progrès orthographique pourraient le prétendre), en quoi consistera-t-elle ? La « synergie entre les supports et les contenus » n'est-elle pas le nom d'emprunt de la spécialisation des chaînes publiques ? Ainsi, ces dernières pourraient être cantonnées dans la diffusion de programmes thématiques dans des domaines inoffensifs : émissions prétendument civiques, programmes de divertissement. .. Exeunt les émissions critiques, de débat, d'analyse politique ... Ainsi ringardisées et financièrement asséchées, les chaînes publiques seraient rapidement mûres pour la privatisation ... et les autres amis de M. Sarkozy, les Lagardère, Dassault, Pinault, Arnauld et Rothschild, qui règnent déjà sur les media écrits, pourront racheter à bas prix les restes de France Télévision et faire main basse sur le grisbi !
Au bilan, la suppression de la publicité sur les chaînes publiques permettra au gang Sarkozy de faire d'une pierre trois coups : donner aux copains le monopole des recettes publicitaires, parachever la prise de contrôle de l'information par les mafias financières, et préparer la grande braderie de la télévision publique. Elémentaire mon cher Copé !
Pierre DAMIENS, Rivarol du 16 mai 2008

Blair a-t-il coulé Sarkozy ?

LE premier ministre britannique Gordon Brown parle de "déception", la presse de "déroute", voire de "massacre" : aux élections locales du 1er mai, en Angleterre et au Pays de Galles, les travaillistes au pouvoir depuis 1997 n'ont obtenu que 24 % des suffrages, devancés de très loin par les conservateurs (44 %) et même, humiliation suprême, par les libéraux-démocrates (25 %). S'il s'était agi des législatives, prévues pour 2010, les Tories auraient été hégémoniques à la Chambre des Communes.
Commentant ce résultat, nos média l'attribuent à quelques mesures fiscales récentes et, surtout, au « manque de charisme » de Brown. Mais celui-ci ne paie-t-il pas les années d'erreurs et de mauvais choix du flamboyant Tony Blair, qu'il n'a remplacé qu'en juin dernier ? Or, jusqu'à son départ du 10 Downing Street, toute notre classe politique avait les yeux de Chimène pour Tony Blair dont Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy se disputèrent les faveurs et le parrainage pendant toute la campagne présidentielle. A peine arrivé à l'Elysée, le second avait d'ailleurs rompu avec la tradition selon laquelle la première visite du chef de l'Etat français est réservée au chancelier allemand pour rencontrer le 16 mai 2007 le Premier ministre britannique, affirmant devant les caméras : « J'ai une très grande amitié depuis longtemps pour Tony Blair, qui n'est pas simplement une question de proximité politique. Tony Blair est un homme que j'apprécie humainement parlant. Je peux dire que c'est un ami. » Au point d'en faire en janvier 2008 l'invité d'honneur du congrès de l'UMP où à la tribune, l"'ami" se fit le chantre de la mondialisation, proclamant que s'opposer à cette évolution irréversible était « aussi vain que de demander aux provinciaux d'aimer les Parisiens ». Et le Britannique de féliciter le Français de s'être montré « très énergétique » dans sa manière de mener les "changements" et "ruptures" que, bon gré mal gré, doit subir notre pays pour entrer dans l'ère glorieuse du « village global ». Ravi du compliment, Sarkozy assurait en retour Tony Blair que la France et l'Europe avaient « besoin de lui ». Pourquoi pas comme futur et premier président de l'Union européenne, poste prestigieux prévu par le traité de Lisbonne ?
Traité dont les bases avaient justement été discutées lors de la rencontre du 16 mai, à l'issue de laquelle Sarkozy avait célébré en Blair l'homme politique modèle, celui qui « a montré que l'on pouvait obtenir le plein emploi et qui a profondément modernisé son pays, qui a su rassembler des majorités au-delà de sa propre famille politique pour obtenir des résultats importants ».
Moins d'un an plus tard, au vu des résultats non pas "importants" mais calamiteux du New Labour, l'Elyséen qui a lui-même été humilié lors des élections locales et qui le reste semaine après semaine dans les sondages est-il toujours persuadé d'avoir choisi le bon modèle ? Car si le Royaume-Uni a longtemps fait figure de premier de la classe en matière économique (au prix d'ailleurs du sacrifice de son industrie, la Grande-Bretagne n'étant plus qu'une société de services), son inféodation politique et financière aux Etats-Unis a fini par lui être fatale : le chômage et les prix repartent à la hausse et le pouvoir d'achat à la baisse, les transports et le système de santé victimes du libéralisme sauvage ( « la liberté du renard dans le poulailler ») font toujours plus de mécontents parmi une population paupérisée qui, en outre, ne pardonne toujours pas au « caniche de Bush » de l'avoir précipitée dans le guêpier irakien en en rajoutant sur les mensonges éhontés répandus par la Maison Blanche pour légitimer l'invasion de 2003. Plutôt que d'en découdre avec les chiites à Bassorah, les boys n'auraient-ils pas été plus utiles dans le "Londonistan" livré aux islamistes les plus radicaux, ce que les travaillistes ont payé très cher le 1er mai ? Et à quoi sert de se battre contre les Taliban en Afghanistan quand, dans le nord de l'Angleterre, des municipalités dirigées par des Pakistanais intégristes favorisent un fondamentalisme dont l'avocate Cherie Blair a défendu les "droits" devant les tribunaux ?
Certains s'étonnaient que le fringant Tony cède finalement la place à Brown après avoir si longtemps résisté. Peut-être sentait-il monter l'orage et se doutait-il que les prochaines élections seraient désastreuses pour son parti. Mieux valait donc prendre du champ, multiplier les conférences payées 250 000 dollars cash et accepter en juillet 2007 la présidence du "Quartette" chargé d'« arriver à la paix et à la stabilité au Proche-Orient en aidant les Palestiniens à bâtir un Etat ou aller au-delà en facilitant un large dialogue entre les parties ». Beau programme dont, soit dit en passant, nul ne parle plus. Ce qui laisse songeur sur les capacités de Blair à présider l'Europe comme le voulait absolument Sarkozy.
Celui-ci a fêté mardi sa première année à la tête de la France. Année perdue en coups de cœur, coups de pub et coups de gueule, les seules réformes adoptées, les seules initiatives prises ayant été des mauvais coups contre la France, qu'il s'agisse de l'ouverture à gauche, de la ratification du traité de Lisbonne, de la loi Hortefeux ou de l'alignement atlantiste. Les prochains scrutins seront-ils aussi catastrophiques pour l'UMP qu'ils l'ont été le 1er mai pour le New Labour ? En guise de gâteau d'anniversaire, le chef de l'Etat a eu en tout cas son content de soupe à la grimace, entre la fronde et la grogne de ses députés de plus en plus hostiles à ses réformes institutionnelles, et le sondage CSA pour Marianne selon lequel 29 % seulement des Français souhaitent le voir briguer un second mandat. 55 % brûlant au contraire de le voir débarrasser le plancher.
RIVAROL, du 9 mai 2008
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