dimanche 19 octobre 2008

Sarkozy a obtenu son "FBI à la française"

SARKOZY ministre de l'Intérieur y pensait depuis quelques années (voir RIV. du 9/2/07). Sarkozy président de la République l'a fait. Au nom de l'efficacité et du contrôle des services (RIV. du 13/6/08). C'est donc le 1er juillet, le jour même où Paris prenait la présidence tournante de l'Union européenne, ce qui a quelque peu éclipsé l'événement, qu'est née officiellement la Direction Centrale du Renseignement Intérieur (DCRI), résultant de la fusion de la DST et des Renseignements généraux (RG). Le 2 juillet, le Conseil des ministres a nommé son patron : Bernard Squarcini, un homme d'expérience (ancien DST et RG), appartenant en outre au sérail sarkoziste.
PASSE-MURAILLE
Bien avant cette date, les agents de la DCRI avaient pris leurs fonctions dans un immeuble rénové (coût : 360 millions d'euros, facture qui a fait tiquer la Cour des Comptes) et hautement sécurisé de Levallois-Perret. Chez l'ami Balkany, comme par hasard. Le Figaro leur a consacré le 30 juin un reportage flatteur commençant ainsi: « 9 heures du matin. Une cohorte d'hommes et de femmes aux allures de passe-muraille (sic) s'engouffre dans un immeuble caparaçonné de verre opaque. Sans desserrer la mâchoire (resic), ils pénètrent dans un hall tout droit sorti d'un décor de science-fiction version années 70. » Brrr ...
Le reste du reportage, plus sérieux et bénéficiant sans doute d'informations contrôlées, nous apprend que la DCRI comprend 4 000 fonctionnaires venant des services disparus qui en totalisaient 6 000. Ils ont été consultés et ont eu le choix. Tout en étant l'objet d'enquêtes sévères. Car ils bénéficieront désormais du « secret défense ». Seules 1 800 personnes seront basées à Levallois-Perret, les autres formeront des cellules dispersées à travers le territoire. Installées dans des commissariats ou des logements indépendants. Dans les commissariats, elles cohabiteront avec leurs anciens, désormais chargés de l'« Information générale » (IG) rattachée à la Sécurité publique.
LA TRADITION AU PANIER
Sous le titre" Avec la fin des RG, un métier disparaît », Le Monde a procédé à une enquête auprès des ex-RG d'Agen en charge du Lot-et- Garonne. Ces "traditionnels" ont exprimé leur refus de rejoindre la DCRI. Ils veulent rester fidèles au milieu local qu'ils connaissent bien grâce à leurs contacts dans les milieux les plus divers. Même si les RG ont pu être mêlés à des affaires douteuses (voir les fameuses notes blanches anonymes), ils étaient, dans le passé, souvent très bien informés du climat politique et leurs prévisions électorales étaient plus fiables que celles des meilleurs instituts de sondages. Ils avaient prévu par exemple la mise en ballottage de De Gaulle lors de la présidentielle de 1965 mais le ministre de l'intérieur de l'époque, Roger Frey, avait hésité à prévenir le général.
Si la politique leur est désormais interdite, il leur reste d'autres terrains d'action sur le plan social, encore que très sensibles, à manier avec précautions. A noter qu'à Agen, une cloison (à bâtir !) séparera les anciens et les nouveaux. Ce qui ne garantit pas la confidentialité. Et n'empêchera pas les frictions. La crainte des agents de l'Information générale, c'est de ne plus servir à grand chose. Ils se sentent dévalorisés. Pour la surveillance des milieux islamiques, la DCRI aura ainsi la priorité. Le Lot-et-Garonne ne compte pas moins de 13 mosquées, 15 salafistes, 70 prédicateurs tabligh et même des extrémistes turcs.
DANS LE MOULE DE L'OTAN
Toutes les informations sur ces sujets relèveront du « secret défense », le terrorisme islamiste étant devenu « urgence absolue ». Ne l'était-il donc pas avant? Des moyens de plus en plus "sophistiqués" seront utilisés pour les enquêtes. En ce qui concerne les suspects, rien n'échappera à la DCRI qui vérifiera lignes téléphoniques, coordonnées bancaires, sites Internet, forums de discussion, courriels, etc. Ce qui permettra de savoir « à tout moment qui a contacté qui, où et quand ». C'est Big Brother ! Pour la bonne cause bien sûr. Le citoyen ordinaire n'a rien à craindre. On n'est pas en régime totalitaire que diable! Mais pour l'instant on ne parle plus d'un contrôle parlementaire et du projet de loi qui devait l'organiser comme nous le disions dans l'article précité de 2007 ..
Existe aussi le risque d'une autre dérive. Comme on le sait, la volonté présidentielle est de nous intégrer le plus possible dans les organismes de l'Otan (dont, d'ailleurs, nous ne sommes jamais complètement sortis). Mais à la tête de l'Otan, il y a les Etats-Unis. Le Figaro a qualifié la DCRI de « FBI à la française ». Et même, en première page, de « véritable CIA », toujours « à la française » bien sûr. Des comparaisons fort inquiétantes quand on songe aux privations de droits élémentaires (y compris au détriment des « citoyens ordinaires ») qu'a engendrées l'instauration du Patriot Act imposé par George W. Bush au Congrès des Etats-Unis après les attentats du 11 septembre 2001. Faut-il vous faire un dessin ?
Jean PARLANGE. Rivarol du 11 juillet 2008

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