jeudi 16 octobre 2008

Immigration : le fiasco (volontaire ?) du duo Hortefeux-Sarkozy

RIVAROL le dit depuis l'origine : la prétendue fermeté Nicolas Sarkozy et de son ministre de l'Immigration en matière de maîtrise des flux migratoires n'est que de la poudre aux yeux. Et les quelques mesures d'apparente restriction de la déferlante allogène que nous subissons à jets continus depuis des décennies sont même écartées, ici par une commission de "sages", là par les autres pays de l'Union européenne. Qu'on en juge.
LE TRIPLE AFFRONT DE LA COMMISSION MAZEAUD
La commission Mazeaud, dans le rapport qu'elle a remis au gouvernement le 11 juillet, a purement et simplement désavoué la politique de quotas défendue par le chef de l'Etat. Mais n'était-ce pas le but de la manœuvre ?
Le 30 janvier, Brice Hortefeux avait en effet confié au gaulliste de gauche Pierre Mazeaud, ancien président du Conseil constitutionnel et homme d'une haine militante à l'égard de la droite nationale (on se souvient de ses insultes publiques contre Le Pen il y a quelques années), la présidence d'un groupe de 13 prétendus sages - parlementaires, juristes, démographes, économistes - pour réfléchir au cadre constitutionnel de la nouvelle politique d'immigration "choisie" développée par Sarkozy.
Or, la commission a répondu « trois fois non » aux interrogations gouvernementales - pas de quotas, pas de réforme des juridictions et pas de révision de la Constitution - et conclu qu'« une politique de contingents migratoires limitatifs serait sans utilité réelle en matière d'immigration de travail, inefficace contre l'immigration irrégulière ».
« Voilà une formule qui semble enterrer définitivement un dispositif de quotas en France », commente Le Figaro pourtant peu suspect d'hostilité à l'égard de l'actuel gouvernement. La commission relève aussi qu'une politique de quota migratoire global ou par grand type d'immigration « n'est pratiquée nulle part en Europe », alors que Sarkozy, en septembre 2007 sur France 2, avait affirmé que « tous les pays démocratiques le font ». Le Parti socialiste se réjouit évidemment de cette situation : « La commission Mazeaud vient de désavouer la politique des quotas chère au tandem Sarkozy-Hortefeux », affirme ainsi dans un communiqué le Beur Faouzi Lamdaoui, secrétaire national du PS à l'égalité, la diversité et la promotion sociale. « C'est un grand coup pied de l'âne donné par la commission Mazeaud », surenchérit Pierre Henry, directeur général de France Terre d'asile, favorable à une immigration totalement libre.
Jean-Marie Le Pen ironise quant à lui sur les « plus de cinq mois qu'il a fallu à la commission Mazeaud pour aboutir à la conclusion que pour atteindre l'objectif d'une immigration à 50 % économique il faudrait "décupler" les arrivées ». Or, observe le président du FN, « cette multiplication par dix de l'immigration était bien l'objectif caché de l'immigrationniste Nicolas Sarkozy ». Le Pen se réjouit aussi du rejet par la commission Mazeaud des trois projets que Nicolas Sarkozy lui avait soumis. Mais naturellement pas pour les mêmes raisons que le Parti socialiste. Le Front national étant favorable à l'immigration zéro, tant légale qu'illégale, il s'est toujours déclaré hostile au principe des quotas qui ajoute simplement l'immigration choisie à l'immigration subie.
LA POLITIQUE DES QUOTAS EPINGLEE
Reste que les recommandations de la commission qui juge que « des quotas migratoires contraignants seraient irréalisables ou sans intérêt » portent incontestablement un coup sévère au dispositif soutenu par le chef de l'Etat. Depuis son élection à l'Elysée, Nicolas Sarkozy a plaidé à plusieurs reprises en faveur des quotas. Ainsi en janvier dernier, lorsqu'il avait demandé à Brice Hortefeux « d'aller jusqu'au bout d'une politique fondée sur des quotas », en affirmant : « tout le monde sait que c'est la seule solution », Mais cette notion a été jugée par deux fois par le Conseil constitutionnel contraire au fameux principe d'égalité qui concerne aussi bien les Français que les étrangers vivant en France.
Dans son rapport, la commission "unanime" invite les pouvoirs publics « à ne pas s'engager dans cette voie » d'une réforme constitutionnelle, qui au « plan politique sur un sujet aussi sensible diviserait profondément et inutilement la société française ». Dans le domaine de la politique d'immigration « plus encore qu'ailleurs, écrivent les membres de la commission Mazeaud, l'action patiente, résolue et respectueuse de la complexité des choses doit être préférée aux remèdes spectaculaires mais illusoires ». Bien que tout cela soit dit en termes diplomatiques, il est difficile de davantage prendre ses distances avec le projet sarkozien. Il est possible que le gaullo-chiraquien Mazeaud ne soit pas mécontent de courroucer Sarkozy qu'un autre chiraquien, Jean-Louis Debré, à la tête du Conseil constitutionnel, se fait fort de tancer régulièrement. Mais il n'est pas exclu non plus que, s'attendant à un tel dénouement, l'Elyséen ait favorisé la création de la commission à seule fin de justifier son immobilisme.
UN SEMBLABLE LAXISME
Officiellement, l'entourage d'Hortefeux n'a évidemment retenu que les quelques satisfecit donnés par ladite commission, notamment l'approche du ministre en faveur « d'une immigration professionnelle concertée avec les pays d'origine ». Pour Mazeaud et ses compères, ces accords, tels ceux signés avec le Sénégal, le Gabon, le Bénin, le Congo et la Tunisie, sont « appelés à devenir des outils tout à fait essentiels de la nouvelle politique migratoire de la France » et devraient être "généralisés" d'ici "2012". , Ce qui est une façon là encore d'accroître le nombre des immigrés présents en France.
En matière de reconduites à la frontière, si difficiles à exécuter, la commission propose aussi carrément la suppression de l'obligation de quitter le territoire français (Oqtf). Seuls feraient l'objet de mesures d'éloignement les étrangers appréhendés, sur notre territoire, en situation irrégulière et sous main de police. Autre mesure suggérée qui va toujours dans le sens des droits exorbitants des migrants : l'institution d'un recours administratif obligatoire avant tout recours contentieux contre un refus de séjour opposé à un étranger résident. Ce recours serait examiné par une commission placée au niveau départemental et composée de façon à se prononcer avec l'autorité suffisante, après avoir entendu l'intéressé, au vu de l'ensemble de sa situation et en particulier de son insertion dans la société française. Bref, ce n'est pas demain la veille que l'on procédera au départ massif des immigrés du Tiers Monde !
FEU VERT DE L'UNION AUX RÉGULARISATIONS MASSIVES
Si la commission Mazeaud tue dans l'œuf la politique des quotas - de toute façon très critiquable -, Paris a également dû en rabattre à l'échelle européenne sur ses projets affichés. Réunis le 7 juillet à Cannes, les Vingt-Sept ont certes adopté la dernière mouture du « Pacte de l'immigration » proposé par Brice Hortefeux mais l'ont vidé de sa (déjà maigre) substance. En dehors de quelques mesures bien faiblardes de lutte contre l'immigration clandestine - et dont rien ne prouve du reste qu'elles seront rigoureusement appliquées (renforcement du contrôle européen des frontières (Frontex) avec la création d'un état-major commun, reconnaissance par tous les pays des décisions d'expulsion, adoption du passeport biométrique) -, ce texte est d'un effrayant laxisme.
Il n'impose pas aux immigrants légaux l'apprentissage de la langue et de la culture du pays d'accueil, comme s'y était engagé Sarkozy tout au long de sa campagne présidentielle. Le texte adopté stipule simplement que les Etats membres mettront en place « selon les procédures et les moyens qui leur paraîtront adaptés des politiques ambitieuses d'intégration ». Le pacte final ne prévoit pas non plus de politique d'immigration choisie commune. Le texte approuvé est on ne peut plus clair. « Il revient à chaque Etat membre de décider des conditions d'admission sur son territoire des migrants légaux et de fixer le cas échéant leur nombre ». Que chaque Etat puisse décider souverainement est en soi une bonne chose mais cette disposition est largement théorique puisqu'il n'y a pas de frontières internes à l'Union européenne et que chaque immigré entré dans l'un des pays de l'UE peut se déplacer librement dans les autres. Il suffit qu'un pays se montre laxiste pour que tout le monde pâtisse des conséquences. « L'accès au territoire de l'un des Etats membres peut être suivi de l'accès au territoire d'autres Etats membres. Aussi est-il impératif que [chacun] prenne en compte les intérêts de ses partenaires dans [ ... ] ses politiques d'immigration, d'intégration et d'asile » note d'ailleurs le Pacte, qui en reste au domaine du vœu pieux.
Enfin et surtout, le document adopté par les Vingt-Sept ne désavoue pas les politiques de régularisation massive et collective. Le ministre de l'Immigration, qui présidait le 7 juillet à Cannes une réunion informelle avec ses vingt-six partenaires, s'est heurté au gouvernement socialiste de José Luis Zapatero : celui-ci craignait qu'un tel engagement ne fût interprété sur la scène politique espagnole comme une condamnation de la vague de régularisations qu'il a décidée en 2007 et dont près d'un million de "sans-papiers" ont bénéficié. Dans sa première version, le Pacte d'Hortefeux constatait que « les régularisations massives et collectives produisent un appel d'air important », ce qui apparaissait comme une condamnation des régularisations espagnoles, mais aussi italiennes de 2003 (plus de 600 000) et de 2006 (plus de 500 000). Il faut, proclamait cette version, « à l'avenir y renoncer. La régularisation devra [relever] d'un examen au cas par cas, dans des conditions exceptionnelles, notamment humanitaires, répondant à des objectifs précis ».
LE DEFERLEMENT CONTINUE, LES FAUX SEMBLANTS AUSSI ...
Madrid ayant donc manifesté son opposition, l'engagement est complètement dilué : les Vingt-Sept sont en effet convenus « de se limiter à des régularisations au cas par cas, et non générales, dans le cadre des législations nationales, pour des motifs humanitaires ». Ce qui. de l'avis des diplomates espagnols présents à Cannes, note Libération, couvre très précisément la régularisation de ... 2007, « véritable vague de cas par cas ». De fait, comme nous l'avons souvent écrit, cette notion de « régularisation au cas par cas » est une véritable imposture destinée à rassurer l'électorat rétif à un surcroît d'immigration. Car comme l'avouait un syndicaliste CGT - cité par Le Pen dans son discours du 1er mai - et qui luttait pour la régularisation des clandestins travaillant dans la restauration et l'hôtellerie, « Nicolas Sarkozy parle de régularisations au cas par cas mais en fait il s'agit bien de régularisations massives ».
C'est dire à quel point nous sommes pieds et poings liés. Dépossédés, trahis, submergés.
Jérôme BOURBON, Rivarol du 18 juillet 2008
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