jeudi 2 octobre 2008

La réforme de l'audiovisuel public : salut les copains !

M. JEAN-FRANÇOIS COPÉ, président du groupe UMP à l'Assemblée, a reçu de Nicolas Sarkozy la mission de diriger les travaux de la Commission sur la nouvelle télévision publique. Le 7 mai, il a informé la presse des grandes lignes de la réforme en cours, laquelle poursuivra l'objectif assigné par le président : supprimer la publicité sur les chaînes publiques.
Mais laissons-le nous expliquer son projet : « La commission réfléchit à une organisation matricienne, avec du point de vue horizontal les contenus qui fonctionneraient en synergie avec le vertical, les supports. C'est une organisation très moderne clarifiée, plus efficace, qui permettrait des synergies et faciliterait la création. » Dans son élan, il poursuit : « On aurait d'un côté, un pôle horizontal, avec les contenus et une répartition des unités éditoriales par genre (information, sport, fictions, savoir et connaissance, jeunesse, divertissement, culture, cinéma). Et sur le vertical, tous les supports seront pris en compte ... »
Fichtre !
Quand on lit des fumisteries du genre « organisation matricienne, avec du point de vue horizontal les contenus qui fonctionneraient en synergie avec le vertical, les supports », il est urgent de s'interroger sur ce qui se manigance. Alors on se demande pourquoi le président de la République en personne veut supprimer la publicité, c'est-à-dire les recettes publicitaires, sur les chaînes publiques. De prime abord, on pourrait penser que l'idée n'est pas mauvaise. Mais voyons quelles sont les implications d'une telle réforme.
Aujourd'hui, les chaînes hertziennes de grande audience (TF1, France 2, France 3 et M6) se partagent l'essentiel de la manne de 3,6 milliards d'euros que constituent les budgets publicitaires des géants économiques (agro-alimentaire, industrie automobile, banques et assurances, grande distribution ... ) A titre d'exemple, les recettes publicitaires de France 2 en 2007 représentent 40 % des ressources de la chaîne pour 800 millions d'euros ! La réforme voulue par Sarkozy aurait donc pour conséquence immédiate de permettre le report de ces fonds sur les deux chaînes privées restant en lice, celles-ci étant providentiellement débarrassées de la concurrence. Etrange de la part d'une mouvance politique qui vante justement la concurrence comme régulatrice des marchés. En toute logique, TF1 et M6 pourront ainsi augmenter les tarifs de leurs espaces publicitaires de manière considérable.
Voyons maintenant à qui profite le crime.
TF1 est la propriété du groupe Bouygues, dont le président est Martin Bouygues, ami intime de Nicolas Sarkozy. Tiens, tiens, tiens ... Quant à M6, ou Métropole Télévision, son directeur n'est autre que Nicolas de Tavernost. Ce dernier connaît aussi très bien M. Sarkozy : le siège de Métropole Télévision est installé à ... Neuilly ! Coïncidence ? En fait, Tavernost fait aussi partie depuis 1985 du « Club Neuilly Communication », officine créée par Sarkozy lui-même, alors qu'il était encore maire de la commune la plus riche de France !
Le brouillard soulevé par la logorrhée de Copé se dissipe peu à peu.
Poursuivons l'enquête... La fameuse et non moins fumeuse « organisation matricienne » (et non pas matricielle comme les réfractaires au progrès orthographique pourraient le prétendre), en quoi consistera-t-elle ? La « synergie entre les supports et les contenus » n'est-elle pas le nom d'emprunt de la spécialisation des chaînes publiques ? Ainsi, ces dernières pourraient être cantonnées dans la diffusion de programmes thématiques dans des domaines inoffensifs : émissions prétendument civiques, programmes de divertissement. .. Exeunt les émissions critiques, de débat, d'analyse politique ... Ainsi ringardisées et financièrement asséchées, les chaînes publiques seraient rapidement mûres pour la privatisation ... et les autres amis de M. Sarkozy, les Lagardère, Dassault, Pinault, Arnauld et Rothschild, qui règnent déjà sur les media écrits, pourront racheter à bas prix les restes de France Télévision et faire main basse sur le grisbi !
Au bilan, la suppression de la publicité sur les chaînes publiques permettra au gang Sarkozy de faire d'une pierre trois coups : donner aux copains le monopole des recettes publicitaires, parachever la prise de contrôle de l'information par les mafias financières, et préparer la grande braderie de la télévision publique. Elémentaire mon cher Copé !
Pierre DAMIENS, Rivarol du 16 mai 2008

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